lundi 21 janvier 2008

sacerdoce zolien

C'est en effet ainsi que j'appelle, à part moi, ma traversée des Rougon-Macquart de Zola, "l'histoire naturelle et sociale d'une famille".
Personne ne me l'a imposé, ce sacerdoce : j'ai toujours été fasciné par les grandes sommes, les oeuvres tellement imposantes qu'elle nécessitent une vie pour la parachever - Proust, Balzac, Dostoïesvki, Zola ou Wagner, dans un autre genre, sont de longue date un objet de fascination pour moi.
C'est donc moi tout seul qui ai eu envie de gravir une fois dans ma vie cette montagne de 20 romans, de les lire dans l'ordre et dans un temps assez rapproché (pour me souvenir des personnages récurrents, en particulier).
J'y vais à mon rythme. Au début, en octobre 2006, mon idée était de lire les 20 romans à la suite, sans pause. Et puis je me suis rendu compte que c'était impossible, déjà parce que je ne peux pas résister à l'appel des autres livres que je vois dans les librairies et qui me crient "lis-moi" dès que j'entre, et aussi parce que c'est trop lourd, trop dur, trop noir - et que ça n'a tout bonnement pas été conçu ainsi !

J'ai donc, en 15 mois désormais, lu 12 des volumes des Rougon. En étant le plus souvent totalement fasciné, horrifié et enthousiaste - et une seule fois vraiment énervé.
J'ai terminé la semaine dernière La Joie de vivre. L'avantage d'une intégrale c'est qu'on ne lit pas seulement les romans que tout le monde connaît, mais aussi ceux dont on ignore l'existence a priori : La Conquête de Plassans en est un autre magnifique exemple. Parce que je trouve qu'ils ne sont pas les moindres de la série : moins spectaculaires probablement, moins documentaires - mais très beaux, du fait même du secret de leur approche.
La Joie de vivre raconte l'histoire de Pauline Quenu, croisée enfant dans Le Ventre de Paris, orpheline recueillie à 10 ans par la famille de son oncle et qui va, évidemment (on est chez Zola, où le monde n'est jamais rose !), aller de renoncement en renoncement.
Ce roman est très fascinant parce qu'il se déroule en un seul lieu, la maison des Chanteau à Bonneville, petit village de pêcheurs. La mer à ses pieds, qui dévore lentement le village. Zola réussit à faire rentrer toute son action dans cette unique maison, à quelques scènes d'extérieur près.
Il y est question de la jeune fille à la fin du 19ème, à travers deux personnages opposés, deux visages féminins. Il y est question de l'apparition des règles, de l'éducation - de l'enfantement aussi, dans une scène assez insoutenable...
Je vois bien tout les défauts, tout ce qui irrite les détracteurs de Zola : les animaux qui sont portraiturés comme des hommes, les ficelles un peu grosses du récit, les exagérations... mais Zola était "le poète de la vidange", comme disait Proust : cette Joie de vivre est une jolie fleur sortie de ce cloaque.

samedi 19 janvier 2008

bonne presse

On dit tous ça, qu’on ne lit pas les critiques. Mais en fait on les lit, un peu en douce et en n’écoutant pas trop, surtout les mauvaises.
J’avais déjà eu la chance, lors de mes précédents disques, de me faire éreinter par la critique. C’est des choses pas très agréables j’avoue.
Depuis, chaque fois que je chante devant un micro, j’imagine le critique avec ses lunettes sur le nez m’auscultant à la loupe – et j’essaie de lui substituer un visage ami, une personne que je sais que mon travail pourra toucher : maman, Marie-Jo, Matthieu…

Alors une fois n’est pas coutume, mon dernier disque a été encensé quasi-unanimement par la critique. Et comme j’ai beau être modeste je n’en suis pas moins content… voici quelques phrases qui me font du bien en ce moment :
"Tous méritent d’être distingués. Mais le plus extraordinaire est [Le Lapin]. Non seulement il interprète cinq rôles avec finesse, mais surtout il possède une vraie voix de haute-contre. Ces ténors français si brillants et si clairs indispensables dans ces ouvrages français du grand siècle. Une grande carrière s’offre à lui tant ces dons sont prometteurs. La beauté de la voix est associée à une diction parfaite et une caractérisation rendant très intéressant le plus petit rôle."
et aussi :
"Signalons aussi les rôles de haute-contre, nombreux, mais épars. Lors des concerts parisiens à la Cité de la Musique, ils étaient confiés à Howard [C.], et l’on pouvait craindre de tout perdre en changeant de chanteur, mais c’est le contraire qui se produit. Car [Le Lapin] est peut-être bien la relève d’Howard [C.] avec une voix du même type, à la fois héroïque et terriblement douce, sensible et touchante là encore. Certes, la maîtrise n’est pas tout à fait celle de celui qui est l’un des vétérans des hautes-contre, mais cela s’acquiert, et la technique est déjà en grande partie là. Reste à lui proposer de vrai rôles pour voir s’il est aussi capable d’habiter un rôle. Il faut rendre grâce à [H. R.] de nous faire connaître cette haute-contre qui nous aidera sans doute beaucoup à moins regretter son aîné lorsqu’il se retirera de la scène lyrique – mais nous avons encore un peu de temps."

Entendons-nous : mon idée n’est pas de me faire reluire, et ces critiques ne me donnent pas l’impression que tout est maintenant en route pour la grande carrière qu’on me promet : c’est juste un indicateur sur l’état d’avancement de mon travail, sur le fait que je progresse – et ça fait vraiment du bien.

mardi 15 janvier 2008

abondance de biens -

...ne nuit pas, c'est bien connu. Alors je vais vous parler dans un seul post de deux films très beaux que j'ai vu hier et aujourd'hui.

Quelle ne fut pas ma surprise en m'entendant dire hier, un lundi !, que la séance de 20h30 d'un film de 2h30 était quasi-complète !... et de fait elle l'était totalement lorsque le film a commencé.
Ce qui déplace de si surprenantes foules ? Into the Wild, le nouveau film de Sean Penn.
Il narre l'histoire vraie d'un jeune homme qui partit pour un périple à travers les Etats-Unis pour relier l'Alaska, alors que ses parents le croyaient tranquillement à la fac. Raconté comme ça, c'est absurde, tout juste un de road-movies souvent détestables de plus.
Mais là, en fait de road elle est souvent faire à pied, et souvent interrompue par des stations auprès de personnalités peu banales : un fermier trafiquant, un couple de vieux hippies et un vieil homme veuf et retraité de l'armée. Tous des gens qui vont d'une certaine manière servir de famille à Alex Supertramp (Super Voyageur), ainsi qu'il se fait désormais appeler.
Là encore, tout serait trop simple s'il ne s'agissait que de ça, un mec qui traverse les Etats-Unis et rencontre des gens - trois niveaux de récits sont tressés dans ce long film : la vie d'Alex enfin en Alaska, tout le périple qui l'a conduit là, rencontres y compris, et un récit qu'on comprend a posteriori de la soeur d'Alex, racontant l'absence et, peu à peu, les raisons qui ont poussé Alex à quitter le monde ainsi, sans se retourner.
(au passage, notons le jeune Emile Hirsch, qui interprète Alex : l'air de rien, ce garçon est très beau, d'une beauté discrète qui me touche tout particulièrement : avec une barbe qu'on imagine toute douce, des bras juste musclés, un torse joliment velu et des yeux à tomber - ledit Emile est déjà dûment repéré par les sites pour ados, d'après ce que j'ai pu voir...)
Le film est passionnant de bout en bout (et les deux bouts, dans 2h30 de film, sont bien éloignés parfois...) parce qu'il mêle tous ces niveaux de récits, ces différentes figures d'Alex, de manière virtuose : le grain de l'image, la manière de Sean Penn de filmer les gros plans et ces faux Super8 familiaux, tout est vraiment maîtrisé, et au service de l'histoire (vraie, rappellons-le). Mais le plus passionnant est que cette hymne à la liberté se referme progressivement sur le personnage, qui se rend compte que le bonheur n'est pas vivable absolument seul - toutes les questions restent cruellement ouvertes à la fin, et le film est d'une dignité poignante là où il pourrait faire chialer tellement facilement.

Ce soir, je suis allé voir un tout petit film (par son retentissement, entendons-nous !) argentin, XXY. Comment raconter l'histoire sans, là encore, la rendre niaise ? deux ados découvrent l'amour mais la jeune fille est hermaphrodite et comment faire quand on est et fille et garçon à 15 ans ?
Là encore, et tout de suite : des comédiens extraordinaires, la jeune Alex (!...) en tout premier lieu, une jeune comédienne fabuleuse, Ines Efron. Elle est fantastique de pudeur (en terrain terriblement délicat...), elle sait parler par les yeux d'une manière fabuleuse - mais on peut mettre dans le bateau des compliments tous les comédiens : il se passe plus dans ce film "entre les lignes" que dans les dialogues.
Ce qui m'a tout particulièrement dans XXY c'est qu'il ne donne pas la clef, de rien : qui sont ces gens qui débarquent, ce couple d'amis dont on sent petit à petit qu'ils ont des relations entachées (par quoi ? on ne saura pas), quel choix Alex fera-til/elle finalement - toutes les questions que pose ce film restent ouvertes à la fin. A chacun d'emporter les personnages avec lui et d'y penser, encore et encore. Ça marche très bien : j'aime sortir du cinéma avec un regard vague, encore tourné en dedans. C'est du cinéma qui rend intelligent.
Ce film, réalisé par Lucia Puenzo (c'est peut-être ça, cette manière tellement subtile de mener sa barque : c'est une fille qui tient les commandes), a été couvert de Prix internationaux, représentera l'Argentine aux Oscars et a été rendu possible grâce à l'atelier du Festival de Cannes : une bien réjouissante nouvelle.

dimanche 13 janvier 2008

Susy

Aujourd'hui, ma petite filleule Susy a 9 ans.
Susy est la troisième fille de mon cousin Pascal. J'ai chanté pour son baptême, je m'en souviens très bien. Et puis après ça a été un peu flou, j'ai bien dû lui faire quelques cadeaux mais je n'en suis même plus certain.
Mais à chaque fois qu'on se voyait c'était super, elle me faisait plein de câlins et me disait que c'était chouette que je sois là et tout - un jour, son père lui a fait fermer les yeux pendant 10 minutes, le temps de me récupérer à la gare et de me faire monter dans la voiture, pour lui faire la surprise de ma venue. Elle m'a dit, c'était tellement mignon : "t'es une belle surprise, parrain".
Mais je ne sais pas si je suis digne de l'amour que me donne Susy. Elle m'a souvent regardé comme si je n'existais pas, comme si elle ne croyait pas réellement à mon existence. Je me souviens d'une fois où, avec ma mère, elle m'attendait sur la quai de la gare : je lui ai fait bonjour par la fenêtre et j'ai vu dans ses yeux quelque chose comme "il existe pour de vrai", comme si j'étais le Père Noël ou une autre fantasmagorie apparaissant pour de vrai.
Maintenant elle croit un peu plus à mon existence (il paraît que sa mère en a marre d'entendre mes disques... Susy lui dirait "tu comprends rien" !), mais je sais que chaque fois que je téléphone et que son père dit "c'est ton parrain", son visage s'éclaire.
Pour Noël, j'ai encore eu droit à plein de moments super - on a même dormi ensemble ! une première. Susy viendra pour la première fois à Paris, maintenant qu'elle est grande, au printemps. Ce sera bien !

samedi 12 janvier 2008

encore des voeux

ça me fait trop rire !
(merci Aurore et Geoffroy !)

lundi 7 janvier 2008

vieillissement de la population

Voilà : j’ai 32 ans.
On dit souvent que la décennie 30-40 est bien plus épanouissante que la précédente, et c’est vrai pour moi : jamais je ne m’étais senti aussi bien dans ma vie, jamais je ne m’étais senti aussi maître de mes moyens, jamais je n’avais vu autant de choses se construire pour moi.
Mais je vois aussi que mes parents et leurs amis vieillissent doucement : mes parents vont avoir 60 ans et devenir des retraités. Une très grande partie de la ville où ils habitent, et en tout cas le quartier où la maison est construite, est désormais habitée uniquement par des sexagénaires. Et la ville où habite ma grand-mère – uniquement par des octogénaires.
C’est des petites choses qui me font prendre conscience que le temps passe : ma mère a un peu moins d’assurance en conduisant (alors qu’avant, c’était Fangio maman, même sur la glace !), et elle est même grand-mère.
Alors c’est chouette les bébés, ça donne l’occasion de ressortir les vieux albums de photos et de raconter les anecdotes de quand tu étais petit. C’est bon de donner les biberons et de faire des câlins.
Je n’arrive cependant pas à m’ôter de l’idée que ce qui arrive à mes parents, quand je pense que je t’ai connu tout petit, ça va m’arriver à moi aussi : dans vingt-cinq ans, le sourire et les bijoux d’Irène (la fille de Sophie, dont j'avais déjà parlé) lui auront conquis un mari et un bébé, et ce sera à mon tour de dire quand je pense que je t’ai connue toute petite, et de ressortir cette photo avec son grand rire de petite fille heureuse.
Je n’ai pas spécialement peur de vieillir. J’ai juste peur de tenir le bébé d’Irène dans mes bras avant d’avoir eu le temps de dire ouf, et de me retrouver à mon tour à soixante ans en ayant toujours l’impression d’en avoir vingt.

samedi 5 janvier 2008

8 !


Belle année 2008 ! qu'elle vous apporte joies et prospérités...
(le dessin est de Natacha)