samedi 8 août 2009

pages blanches

Colette est certainement une de mes amies les plus chères, un des âmes avec lesquelles je suis le plus en communication, en toute simplicité.
Notre rencontre était amusante : comme j'arrivais à l'hôtel pour trois jours d'enregistrement (et c'était à l'époque où les enregistrements me mettaient encore plus mal à l'aise qu'ils ne le font aujourd'hui : j'étais donc perclu de peur), l'organiste me présente "Colette, une amie". Je lui ai répondu : "vous faîtes un beau métier, madame". Nous ne nous sommes plus quittés. C'était aussi simple que ça. C'était il y a 4 ans.
Je dois à Colette des remerciements éternels pour m'avoir fait retourner dans les musées - et y prendre plaisir ! j'avais, pour je ne sais quelle raison, développé un complexe face aux musées, comme d'autres face à la musique classique : trop compliqué pour moi, pas assez de culture, trop grand pour ne pas m'y perdre. Comme j'accompagnais Colette à une expo Bonnard au Musée d'Art Moderne, le choc, l'immense choc : non seulement je n'étais pas perdu, mais ça me faisait plaisir, mais je pouvais dire que tel ou tel tableau me touchait plus et pour quelle raison - je n'étais donc pas le crétin fini que je m'imaginais être, et ça a été une révélation. Depuis je hante les musées pendant des heures, libre de m'ennuyer devant un chef d'oeuvre, de traverser une salle au pas de course ou de m'extasier devant un tout petit tableau dans un coin, d'y revenir plusieurs fois et de l'emporter dans mon coeur en trophée.

Après l'avoir fait avec les musées, Colette réussira-t-elle à me réconcilier avec la poésie ?! je reçois de temps en temps par la poste un livre, juste pour le plaisir de faire plaisir. C'est toujours un livre de Christian Bobin, que Colette admire passionnément. Un petit livre, d'une centaine de pages, avec beaucoup de blanc dedans - d'espace pour rêver, sans doute.
J'ai reçu il y a quelques semaines un nouveau livre de Christian Bobin, La Dame blanche. Je l'ai ouvert avant-hier - et quel choc ! je suis tombé sur le personnage d'Emily Dickinson, dont je connaissais seulement le nom (elle a été maintes fois mise en musique). Ce petit livre la met en scène, dans une biographie poétique et éparse, posant une ligne ici, un paragraphe là, pour composer un portrait en camaïeu de blancs de cette dame blanche comme un lys. Et me voici désormais hameçonné, voulant en savoir plus - et lire des poèmes d'Emily Dickinson.
Peut-être cette rencontre tournera-t-elle court, mais j'ai la sensation que ce livre va marquer pour moi un moment important de ma vie. Je le devrai à Colette, encore une fois.

Christian Bobin, La Dame blanche ; Gallimard, collection Folio ; 125 pages, 4,30 €.