vendredi 19 décembre 2008

apaisement

Je l'ai déjà dit hier : je sens que des choses changent dans ma vie en ce moment, qu'elles bougent - sous l'effet d'une violence inouïe pour moi, et qui m'aura peut-être finalement servi.
Cette année, je vais passer dix jours de vacances chez mes parents pour Noël. Mes parents sont séparés, certes, mais, depuis quelques mois, les choses se sont apaisées entr'eux et ils se reparlent, se côtoient très naturellement (ils viennent tous les quatre m'écouter chanter ce soir !) : pour la première fois depuis des années, Noël sera une vraie fête, au milieu des miens, sans compromis qui ne satisfait personne, aux côtés de ma nièce, de mes grands-mères et de ceux que j'aime en fait plus que tout. Olivier viendra même nous rejoindre, et je crois que j'aurai alors, peut-être pour la première fois depuis longtemps, la sensation de complétude. C'est à la fois très apaisant et une merveilleuse perspective pour la suite...

jeudi 18 décembre 2008

comment j'ai décidé (d'essayer) de devenir moins stupide...

Je l'ai déjà dit : je suis un lecteur de fictions. Il y a seize ans, quand j'étais en terminale et que je faisais de la philo, mon prof nous répétait tout le temps que ce n'était pas la peine qu'on lise des ouvrages philosophiques puisque nous "ne comprendrions rien" à cette lecture. Je préférais certainement déjà la fiction, mais cet encouragement m'a confirmé dans mon goût, et je me suis dit qu'à tout jamais j'étais trop stupide pour lire autre chose que des romans - même si je lis presqu'uniquement des choses un peu compliquées : Bassani, Madame de La Fayette, Proust ou Zola, dont aucune n'est de la petite bière. Mais rien de théorique : il faut toujours qu'on me raconte une histoire.
Et puis voilà : est-ce à cause des attaques dont j'ai été victime ces derniers temps ? des discussions que j'ai avec ma psy, dans lesquelles je touche à l'organisation du centre même de ma vie ? ou tout simplement parce que c'est le cours naturel de mon existence ? j'ai désormais envie de les lire, ces ouvrages que mon prof m'interdisait. D'essayer d'appréhender et de comprendre les questions que d'autres se sont posées, de voir leurs réponses pour essayer de grandir, d'avancer. Cette quête ne sera ni simple ni rapide, mais je pense maintenant qu'elle est devenue utile, voire nécessaire, pour moi. On verra bien où cela me mènera...

(le titre de cette chronique est un hommage au petit livre amusant de Martin Page, Comment je suis devenu stupide, éditions Le Dilettante)

vendredi 12 décembre 2008

développement du râble

Aujourd'hui, j'ai des courbatures partout, et tout particulièrement dans le dos, là où les côtes s'attachent à la colonne vertébrale - ce que l'on appelle le râble chez le lapin. J'ai des courbatures de râble, donc... et j'ignorais qu'on avait des muscles dans cette partie du dos, moi. La preuve par neuf que les chanteurs, s'ils sont des sportifs utilisant leur corps de manière précise, ignorent souvent comment leur outil de travail est conformé...
La raison de ces courbatures ? mon cours d'étirements d'hier. Car oui, au risque de passer pour une mémé : je prends depuis la rentrée des cours d'étirements avec Olivier - et je peux vous dire qu'à nous deux nous 1. faisons sévèrement chuter la moyenne d'âge 2. augmentons très singulièrement la parité femmes/hommes (dans ce sens, bien sûr !).
Mais on s'en fout d'être quasiment les seuls garçons, et en plus les dames sont vraiment gentilles - pas comme ces garces de petites filles qui se sont moquées de moi quand j'ai fait de la danse, à 7 ans, et qui ont fait que j'ai capitulé, en pleurs, après le second cours...
Et ce qui est vraiment bon dans ces cours, outre le fait qu'ils sont donnés par Jacqueline, une incroyable femme de 72 ans tellement jeune et saine de corps et d'esprit, c'est que c'est un des rares moments pour moi, sans autre pensée, sans utilité si ce n'est de se faire du bien, juste ça. On n'y pense jamais assez, et pourtant c'est très précieux. Essayez un peu pour voir...

samedi 6 décembre 2008

encore un peu d'Art !

C'est amusant, les coïncidences : j'ai parlé de Georges et de L'Art de la Fugue de Bach il y a quelques jours, et voilà-t-il pas que ce même Georges va jouer... L'Art de la Fugue à l'orgue de l'église des Blancs-Manteaux, là où il est co-titulaire, le 18 décembre prochain... Le monde est vraiment petit !
Les informations dont vous pourriez avoir besoin sont : ne serait-ce que parce que Georges est l'homme le plus gentil de la terre (ce qui dans notre métier est une indéniable qualité...), ne serait-ce que parce qu'il jouera une version de L'Art complétée par Boëly, compositeur méconnu dont on fête le cent-cinquantenaire cette année - je vous engage vivement à aller aux Blancs Manteaux écouter ce concert, où je ne serai pas parce que je serai non en Cochinchine mais en terre angevine pour chanter Noël, de saison aussi !

PS : à ce propos, en cherchant un tout petit peu plus, je me suis rendu compte que j'avais fait une erreur dans mon billet, et transposé tout L'Art de la Fugue de ré à do mineur. Mes excuses confuses !

vendredi 5 décembre 2008

zappage

Il y a un truc à ne jamais faire : commencer à zapper quand on doit aller bosser - surtout quand aller bosser signifie, comme pour moi, aller bosser dans la pièce à côté... C'est extrêmement dangereux, surtout quand on a le câble : la TNT regorge en effet, surtout aux petites heures de l'après-midi, de dangers énormes.
Bien sûr il y a Derrick et Rex - mais je ne savais pas que la télévision allemande eut produit tant de chefs d'oeuvres policiers, de ces délicieuses oeuvres toujours un peu surannées dont la Télévision, surtout Numérique Terrestre, se gorge.
En début d'après-midi je zappai donc, et tombai, sur NRJ 12, sur un feuilleton policier allemand dont je n'ai même pas tenté de me rappeler le titre. Je suis resté pour une simple raison : l'un des enquêteurs avait une tête regardable :


Wolfgang Krewe, donc, dont on apprend qu'il joua dans beaucoup de séries dans son pays. Tellement de séries que, zappant encore sur NT1, je tombe sur... Wolgang Krewe de nouveau, cheveux plus courts mais même yeux bleu pâle : de commissaire sur NRJ12 il était là devenu suspect - quel drôle de début d'après-midi.
La TNT déborde d'informations essentielles...

lundi 1 décembre 2008

L'Art d'Alice

Comme dit Georges : "Alice Ader est la pianiste des musiciens" - je serais en effet bien en peine de dire comme j'ai découvert le travail de cette merveilleuse musicienne... Je me souviens par contre de n'avoir pas été surpris de découvrir que la toute douce petite musique d'Être et Avoir, ce merveilleux documentaire sur l'école rurale, était née sous les doigts d'Alice Ader... Je me souviens aussi d'un soir où, me couchant chez mes parents et allumant la radio pour écouter un peu de musique dans la nuit, j'ai entendu une interprétation merveilleuse, à la fois forte et tellement délicate, du Prélude, Choral et Fugue de César Franck - après la diffusion, j'ai appris que c'était l'enregistrement d'Alice Ader, que j'ai acheté aussitôt (moi qui n'achète que très peu de disques, chacun est un événement, et souvent un enthousiasme).
Quelques temps après, j'ai découvert dans le livret d'un autre enregistrement, qu'Alice habitait tout près de chez moi - je lui ai alors envoyé une petite lettre pour lui dire ma grande admiration. Et un jour, ce message sur mon répondeur : "c'est Alice Ader, votre voisine ; je donne un petit récital chez moi, voulez-vous venir ?". C'est ainsi que j'ai découvert qu'Alice était aussi une femme simple et magnifique.
Cette longue introduction pour dire que je suis allé entendre ma voisine Alice jouer en concert L'Art de la Fugue, de Bach, à l'occasion de la sortie de son nouveau disque, réalisé en public l'année passé au cours d'un concert que j'étais triste d'avoir raté. L'Art de la Fugue est une oeuvre monumentale, probablement de la fin de la vie du compositeur (même si des études récentes tendent à prouver qu'il y travailla de longues années, et qu'il n'est pas mort sur l'ouvrage comme la légende le dit), dans laquelle Bach écrit 14 fugues différentes sur le même sujet, de quelques notes (do, sol, mi bémol, do, si bécarre, do, ré, mi bémol, fa, mi bémol, ré, do). On est donc presque dans l'ouvrage théorique, et le danger est de considérer l'oeuvre comme telle, de ne donner à voir que son aridité, et pas sa profonde liberté.
Jouer L'Art de la Fugue en concert est un défi : pour l'interprète, qui traverse seul le désert, et pour le spectateur, que le rigoureux do mineur pourrait peut-être lasser. Rien de cela sous les doigts d'Alice Ader, au contraire : très concentrée, sans aucune affectation, elle trace son chemin paisiblement, donnant à entendre des plans sonores très nombreux et découpés (j'ai l'impression , en écoutant Alice jouer, de regarder une image avec une très grande profondeur de champ, où tout est net, du premier au dernier plan, et pourtant clairement à sa place, dessiné), transportant d'émotion (presqu'un comble dans cette musique qui en revendique si peu !) l'auditeur accroché à ses pas. Depuis les premières notes, qui sont comme de légers galets jetés dans un sable fin qui les nimbe de poussière dorée, jusqu'à l'abîme final dans lequel tombe l'oeuvre, inachevée, tout est passionnant, étreignant comme un Klavierstücke de Schubert ou doux comme un adagio de Mozart. On marche sur le vide, bouleversé par tant de beauté.
L'Art d'Alice n'a aucune des séductions dont on peut parfois nous régaler, mais nous offre un voyage presque métaphysique, et pourtant tellement sensible... des moments comme la vie nous en offre peu.

réouverture

cet espace a été fermé à tout le monde pendant deux semaines environ. Je suis désolé et je remercie ceux qui s'en sont inquiétés.
Que la fête continue !

vendredi 31 octobre 2008

Une partie de campagne

Mercredi, alors que je disais qu'il n'y aurait que 10 personnes, on n'a même pas pu assister à La Vie Moderne (du coup on est allés voir Mesrine, remarquable aussi mais dans un tout autre genre !...), et hier soir encore c'était complet - qu'est-ce qui pousse des parisiens à aller en masse (entendons-nous : la salle est quand même plus petite que pour Mesrine...) voir un tel film : la nostalgie d'une vie champêtre ? la complétude de la vie campagnarde, près des moutons et des vaches ? eh bien ils en sont, nous en sommes pour notre argent parce que, si La Vie Moderne commence comme un film de vacances, par la route et le paysage époustouflant filmés par une caméra embarquée, le film de Raymond Depardon ne nous rejoue pas "que la campagne est belle", mais bien plutôt "qu'elle est dure aux gens qui y vivent et en vivent"...
Depardon filme longuement, tranquillement, ces vieux paysans qui n'ont jamais quitté la ferme familiale et qui, vieillissant, n'en pourront bientôt plus, mais aussi ces jeunes femmes qui ont choisi de venir vivre dans des hameaux dont leurs familles sont le plus souvent les seuls habitants, et qui tentent de s'y faire une place. La Vie Moderne est un film triste et beau, comme disait Verlaine : à la fois extrêmement poétique et profondément poignant.

jeudi 30 octobre 2008

dans les bacs


C'est Ronaldo qui m'en a parlé le premier : "t'as entendu le disque Gilles ? c'est très beau ce que tu fais dedans". Puis je l'ai reçu par la poste et, avant même de le déballer, je l'ai donné à entendre à Olivier qui l'a beaucoup aimé. Je n'aime toujours pas m'entendre en disque, mais je dois reconnaître que dans ce que j'ai écouté, la prise de son est belle, Alain Buet magnifique, le tout de belle tenue... Et puis les concerts et l'enregistrement ont été un tellement beau moment que j'espère qu'il en reste quelque chose dans le disque...
Alors voilà : puisqu'il n'y a plus aucun secret sur mon identité complète, je me fais de la pub : le disque dont j'ai parlé à plusieurs reprises ici va sortir le 20 novembre.

jeudi 23 octobre 2008

l'enfer, le vrai...

Je me suis plaint il y a quelques temps de ce que j'entendais des musiciens dans mon immeuble - mais la vie est véritablement devenue un enfer depuis le début de la semaine : il semblerait qu'un pianiste se soit installé dans l'immeuble mitoyen, dans l'appartement adossé au mien - j'entends travailler toute la journée aussi clairement que si j'étais dans un studio au Conservatoire - pour ceux qui n'ont pas eu la chance de connaître ça, les conservatoires sont souvent isolés du bruit par des cloisons en papier à cigarettes, parce que c'est bien connu : les musiciens ça fait pas de bruit. Résultat : on travaille au milieu du bruit de tous ceux qui travaillent dans les parages, en maudissant les autres autant qu'ils nous maudissent eux-mêmes...
Toute la journée, j'entends donc quelqu'un travailler et, tout le monde le sait, c'est un enfer : les mêmes passages toujours répétés, l'impossibilité totale de couper le son... et aussi de se concentrer à côté pour mon propre travail.
Ma seule espérance, c'est que ce pianiste ne soit que de passage dans l'appartement du violoniste, avec qui j'ai l'impression qu'il joue, peut-être pour préparer un récital ? sinon, ça va être dur d'habiter ici...

mercredi 22 octobre 2008

much better

mais c'est beaucoup trop !
ou alors c'est les centimètres dont parle monsieur Andesmas !...
(oui, je vais mieux cette semaine !)

vendredi 17 octobre 2008

ça continue encore et encore

Non seulement j'ai passé une mauvaise journée mais en plus je suis malade, alors ça a tendance à me faire voir encore plus les choses du mauvais côté...
Mais j'ai réentendu une info qui m'a fait sauter de ma chaise ce soir : on a décidé de fusionner Assedic et ANPE et de créer un Pôle Emploi. Très bien - j'imagine les ministres se demandant comment on pourrait bien appeler ça, et se décidant pour "pôle emploi", parce que ça semble couler de source et parce que c'est bien. Que nenni : c'est une agence de comm qui, pour la modique somme de 135 000 euro (135 000 euro !), a pondu ce nom.
Aujourd'hui, c'est la Journée du Refus de la Misère.

Y'a des jours comme ça...

Hier j'apprends que je suis vieux, et ce matin je suis toujours de mauvaise humeur. C'est pas les infos de ce matin qui vous changer les choses, où j'apprends que 0,5% de l'argent investi pour sauver les banques de par le monde, 0,5% seulement, suffirait à éviter qu'un milliard de personnes ne meurent de faim. 0,5% - et on ne le trouve pas, cet argent.
Et, dans les même infos, j'entends des reportages pour la Journée contre la Misère : des pauvres gens qui se font sortir de leurs logements et qui dorment dehors...
Y'a des jours comme ça, où on voudrait ne pas sortir la tête de sa coquille...

jeudi 16 octobre 2008

pauvre petit vieux

Ce soir, cette réflexion de Bertrand, 22 ans, avec qui je buvais un verre pour la première fois depuis qu'il est rentré d'un an d'Erasmus en Australie et à qui j'expliquais que j'étais avec un garçon depuis 7 mois : "Ben t'as raison de rester avec lui, parce que quand on devient vieux...".
J'ai 32 ans, et je crois que c'est la première fois qu'on me dit que je suis vieux. Ça me blesse terriblement.

mardi 14 octobre 2008

bien bel ami !



Je l'ai déjà dit : je vis avec le livre, avec l'objet livre, une passion quasi charnelle.
J'aime être attiré par un livre, le prendre dans mes mains, regarder son dos, l'ouvrir enfin, avoir envie de poser mes doigts sur ses pages et de me plonger dedans - un vrai acte sensuel, vous dis-je... Je crois, tout bien réfléchi, que j'aime presqu'autant ça que la lecture (trop longue, souvent : non que je m'y ennuie, mais il y a tellement d'autres livres que je voudrais lire aussi que le combat est sans espoir, il restera toujours un livre que je voudrais lire mais que je ne lirai pas...) - et, lorsque j'ai longtemps désiré un livre, que je suis retourné le voir plusieurs fois, que je me suis fait envie tellement fort : c'est un moment fantastique de l'avoir enfin - pour le plus souvent attendre de le lire !
J'ai enfin complété ma collection des contes de Maupassant (ces textes tellement courts et géniaux), dans la complète et attirante édition de La Pochothèque, et je suis comme un gamin au pied du sapin, impatient de les ouvrir mais tellement content de les regarder...

Contes de Guy de Maupassant en trois volumes :
Contes Parisiens
Contes Normands
Contes cruels et fantastiques
Le Livre de Poche, collection La Pochothèque ; 19, 20 & 22 euro.

dimanche 12 octobre 2008

l'enfer

C'est le coup de l'arroseur arrosé : il semble qu'un violoniste se soit installé dans l'immeuble, ou dans celui d'à côté - j'ai été réveillé ce matin par la Chaconne de Bach et par le concerto de Beethoven (je crois, à moins que ce soit celui de Tchaïkovski : je confesse ne pas les écouter très très souvent), et là encore il travaille. Il semblerait qu'il joue bien, d'ailleurs - mais on est bien d'accord : rien de plus pénible qu'un musicien qui travaille à côté, qui joue une phrase et s'arrête subitement sur deux notes qu'il rejoue vingt fois jusqu'à ce qu'elles lui plaisent...
J'ai aussi entendu, pour la première fois ce matin, quelqu'un monter des gammes au piano. C'est dimanche faut dire.
Ça y est, c'est l'envahissement - manque plus que je chante pour transformer le lieu en boîte à musiques. Ce billet est dédié à mes voisins non musiciens...

samedi 11 octobre 2008

empreinte écologique

Je ne sais plus quand j'ai commencé à faire ça alors disons que j'ai toujours été comme ça : écolo - à faire gaffe à ménager l'électricité, à ne pas laisser couler l'eau pour rien, à utiliser des ampoules fluo, à acheter des appareils ménagers de classe "A", à utiliser mon vieux papier pour imprimer au dos, à préférer manger moins de viande pour réduire un peu la pollution que ça entraîne (et pourtant j'aime la viande !)...
Alors quel ne fut pas mon choc, la semaine dernière, de me retrouver logé dans un hôtel 5 étoiles, au Portugal. Choc parce qu'à une époque où on parle beaucoup d'environnement, d'économies d'énergie et de survie de l'espèce humaine, à terme - cette installation, flambant neuve (ils en étaient aux derniers coups de pinceaux dans les couloirs même de l'hôtel...), est tout simplement un gouffre énergétique de première classe : pas une seule ampoule à économie d'énergie mais toutes les lampes allumées dans les halls, même en plein jour ; des serviettes de toilette changées deux fois par jour ; et puis un luxe infini de détails tellement gourmands en énergie.
Oui : ça me choque qu'on puisse encore aujourd'hui construire de telles installations.

mardi 30 septembre 2008

moderne Princesse

C'est drôle la mémoire : je n'imaginais pas me souvenir de ce petit passage de Proust mais en fait si ! Il est un moment dans Le Côté de Guermantes où le Narrateur se rend compte qu'il s'est trompé sur le compte de sa servante, Françoise, et que son langage qu'il tenait pour "parsemé d'erreurs" est en fait comme une sorte de ressurgissement d'un parler plus ancien, et conclut en disant que Françoise est "en réalité la contemporaine de ces Français de jadis" (édition Folio, page 18) - eh bien je me suis rendu compte que ma grand-mère (pas cette mamie-là, mon autre mamie) est aussi une contemporaine des français de jadis...
En effet, j'ai toujours tenu pour patoisante la tournure "hier au soir" que ma grand-mère utilise souvent : eh bien v'là-t'y pas que je la retrouve sous la plume, vraiment pas patoisante, de Madame de La Fayette dans La Princesse de Clèves... Mamie, tu es une grande dame.

Car voilà : je relis La Princesse de Clèves, 17 ans (17 ans...) après l'avoir étudié en classe de seconde (seconde 1, c'est marqué en première page...). J'en avais gardé un bon souvenir et il me souvient de m'être dit que j'aurais bien envie de le relire un jour : c'est la seule raison que je vois pour que ce volume scolaire soit toujours dans ma bibliothèque, et non encaissé chez ma mère.
Relire La Princesse de Clèves semble être un acte anti-sarkozyste ces temps-ci : après que notre auguste Président en a dit, et redit, pis que pendre, il me semblait bon de retourner juger à la source.
D'autant que deux films sont sortis la semaine dernière qui, il n'y a pas de hasard, l'évoquent, brièvement (le livre que lit la soeur d'Agathe dans Parlez-moi de la pluie d'Agnès Jaoui n'est autre que... La Princesse de Clèves !) ou plus directement : ainsi La belle Personne de Christophe Honoré que j'ai vu avec un très grand plaisir. J'aime bien Christophe Honoré : il fait des films où les gens parlent comme on ne parle jamais dans la vraie vie, et où ils vivent des situations improbables qui émeuvent pourtant tout le monde... je me disais en voyant La belle Personne qu'Honoré serait bien le Truffaut de notre temps, et Louis Garrel son Léaud. Il est là Nemours, professeur d'italien qui tombe amoureux de Junie aux dépens de Grégoire Leprince-Ringuet (autrefois son petit amant en slip rouge...) - et il est bon, Louis Garrel. Le film est doux et triste, moderne malgré son parler impossible : oui, j'aime bien Christophe Honoré.
Et la vraie Princesse alors ? tous mes copains cinélivrophiles me disent "oui, il faut que je le relise" : moi je suis le courageux qui s'y est collé. Eh bien, c'est simple : quel chef d'oeuvre ! quelles délices merveilleuses offrent ce petit texte. Alors oui, c'est un monde dans lequel il faut entrer, cette courtoisie si chère au 17ème siècle, ces sentiments qui ne sont qu'à peine exprimés ou contenus mais qui brûlent si fort, en fait. C'est vrai, Président : on est loin de TF1, la Star Ac', Jean-Marie Bigard ou Christian Clavier - mais peut-être prendre un peu de recul ou, sans mauvais jeu de mots, de hauteur, n'est pas, de temps en temps, une mauvaise chose. Peut-être que madame de La Fayette emmerdera 9 futurs postiers sur 10 - mais le 10ème, croyez-moi, il aura découvert un monde fabuleux qu'il ne soupçonnait certainement pas et qui l'émerveillera profondément. Il aura eu la chance de lire cette splendeur :
Quelque application qu'elle eût à éviter ses regards et à lui parler moins qu'à un autre, il lui échappait de certaines choses qui partaient d'un premier mouvement, qui faisaient juger à ce prince qu'il ne lui était pas indifférent.
Oui : beaucoup plus de délicatesse que dans une photo à Disneyland - mais je sais de quel côté je préfère être...

lundi 29 septembre 2008

vous pouvez répéter la question ?

Samedi, dans la voiture qui nous menait au concert, cette discussion avec un de mes collègues :
"Comment va Bernard ?
- Ben... il est mort il y a deux ans..."

C'est étrange : je croyais que tout le métier avait instantanément appris la mort de Bernard, parce que ça a fait l'effet d'une bombe, surtout pour nous qui étions aux premières loges, et qu'on en a tellement parlé - mais il semblerait que non, tout le monde ne soit pas au courant.
C'est étrange.

mercredi 24 septembre 2008

Ange du Paradis




Ce soir-là j'étais allé au cinéma sur les bords du canal de l'Ourcq, cet endroit de Paris si beau, surtout la nuit, avec ses deux cinémas qui se font face, et les lumières qui se reflètent sur l'eau. Il émane de cet lieu un calme apaisant que j'aime à retrouver, chaque fois que je sors d'une séance, la nuit tombée.
Ce soir-là, j'étais donc heureux, tout simplement. Sans autre raison.
C'est le lendemain matin, à 8 heures et demi, que j'ai reçu un appel de mon frère - j'ai tout de suite su de quoi il s'agissait : leur bébé était né. "Albane est née hier soir à 23 heures 35", m'a-t-il dit. Tout de suite j'ai eu l'impression d'un changement, même pour moi : une vie était apparue qui n'était pas là 24 heures avant, un petit être venait de prendre sa place dans notre vie et notre monde - sensation indéfinissable d'un bonheur indescriptible.
J'ai sauté dans le TGV pour aller prendre ma nièce, si chaleureusement attendue, dans mes bras. Petit bébé d'à peine 14 heures au moment de cette photo, jeune tonton bouleversé de voir cette petite vie toute chaude, ce petit être déjà un être à part entière, avec ses sourires et ses rêves, ses premiers rêves dans les bras d'un autre jeune tonton émerveillé...
Tout ça, c'était il y a un an, tout juste.
Depuis, ce bébé si petit a dénoué les noeuds, consolidé les liens, réconcilié les fâcheries - je crois vraiment qu'Albane est un ange du ciel, oui.
Joyeux anniversaire, bébé. Je t'aime comme un fou.

dimanche 21 septembre 2008

mauvais oeil

Le truc qu'on peut dire, c'est que Maurice a la scoumoune...
Il y a deux ans, lors du premier concert que nous devions donner ensemble, Christophe a dû prendre sa voiture et arriver une bonne heure en retard au raccord (cette répétition d'avant-concert) parce qu'il n'y avait pas de train : un hélicoptère avait coupé des caténaires (décidément, les caténaires...). On croit tous encore qu'il nous a menti...
Lors du second concert c'était moi qui étais out : j'avais éternué (éternué !) et je m'étais fait une entorse du larynx et un hématome aux cordes vocales - je ne savais même pas que ça existait, et mon ORL m'a dit qu'elle n'en avait pas beaucoup vu. Impossible de chanter, j'ai dû me faire remplacer. La veille pour le lendemain.
Ensuite, on a fait un disque - là, moi j'avais une pharyngite et une fièvre de cheval et l'autre Christophe s'est un matin réveillé totalement bloqué : lumbago des familles... Il avait l'air malin, avec sa ceinture lombaire pour respirer et chanter. But he did it !

Deux ans ont passé. La semaine dernière, on répétait notre nouveau programme, pour encore deux concerts et un disque. Au deuxième jour des répétitions, Christophe (celui de l'hélicoptère et de la caténaire...) fait une manoeuvre à moto devant sa maison et se brise le bras en petits morceaux, avec opération d'urgence et tout - même pas en faisant une double vrille ou quelque chose de spectaculaire : simplement en reculant et en faisant une fausse manoeuvre... Résultat : on répète sans lui, en priant le ciel pour qu'il soit rétabli pour les concerts du week-end, et en tablant sur une bonne répétition l'après-midi même du concert - hier, donc.
Hier, nous montons dans le train pour nous rendre dans le Nord. A Saint-Quentin changement de train, normal - mais le train, tout beau et à quai, allait y rester : pas de contrôleur. Panique dans la gare, bus de remplacement (le chauffeur ne connaissait pas lui-même l'itinéraire...), nous voilà partis en déshérence dans l'Aisne, dans des petits villages bien jolis nichés au coeur d'une campagne vraiment profonde : nous avons mis deux heures là où le train mettait 46 minutes, et nous sommes arrivés avec 1 heure 40 de retard. Sans qu'on nous propose de dédommagement, il va de soi puisque c'est un TER et que c'est quand même pas important (décidément, la SNCF...).
Nous sommes donc arrivés sur le lieu du concert à peine une heure et demie avant le début de celui-ci et, pour ainsi dire, nous avons lu pour la première fois le programme tous ensemble devant les auditeurs. C'était l'ouverture de la chasse, une sorte de gigantesque stand de tir aux pigeons d'argile.
On doit enregistrer en novembre - que pourra-t-il bien nous arriver alors ? parce que, c'est un fait : Maurice a la scoumoune...

vendredi 19 septembre 2008

swinguez !

Je suis allé cette semaine voir Rumba, un film d'un collectif d'acteurs-réalisateurs (Fiona Gordon, Bruno Romy et Dominique Abel) qui s'étaient déjà fait connaître avec L'Iceberg - que je n'avais pas vu.
La critique parlait d'un film extrêmement drôle et silencieux, à la Tati : je me suis donc empressé d'aller voir ce météore d'une heure un quart. L'histoire ? un couple de professeurs est danseurs de rumba. Un jour, en rentrant d'une compétition, ils ont un accident : l'un perd la mémoire, l'autre une jambe. Comment vous-ils, dès lors, vivre leur vie ?
Avec cette histoire qui pourrait être du plus pur pathétique, le trio réalise un film particulièrement drôle, avec des gags visuels tout droit tirés de Buster Keaton et de Tati, évidemment (on a d'ailleurs un décalque des Vacances de monsieur Hulot dans la dernière scène, si les choses n'étaient pas assez claires...) : une sorte de mixte entre le réalisme enfantin de Oui-Oui et des gags de série B avec une jambe de boie en feu (!) qu'un Tim Burton serait bien capable d'inventer...
La seule critique que je ferais, c'est la longueur de certaines scènes - difficile de dire qu'on peut raccourcir un film d'une heure un quart, mais un ou deux petits coups de ciseaux par ci par là ne serait pas superflu, et le film y gagnerait en drôlerie, c'est évident !
Si vous voulez voir un cinéma comme je croyais qu'on n'en faisait plus et rire, incroyable, en entendant la simple phrase "my dog likes spicy rice" - ne ratez pas Rumba, si seulement vous avez la chance qu'il passe par chez vous.

un temps que les moins de 20 ans...

Je ne sais pas comment c'est ailleurs qu'ici - mais à Paris, il y a une sorte de gang des organistes : ils se connaissent tous, se refilent des plans ("si tu accompagnes ma messe de samedi dans telle paroisse je pourrai aller jouer dans telle autre parce que le titulaire joue à Saint Louis en l'Île pour remplacer Benjamin") et ont un argot bien à eux : "j'ai fait quatre soudures ce week-end" (i.e. : j'ai joué pour quatre mariages), "en 2003, j'ai fait plus de viande froide que jamais auparavant" (i.e. : j'ai joué pour plein d'enterrements).
Hier, j'ai donc fait une viande froide - quelle horreur ce mot : j'ai chanté pour un enterrement. Évidemment, j'ai fait les soudures (ça, c'est plus rigolo !) de tous mes amis, mais là c'était une commande, quelqu'un que je ne connaissais pas m'ayant demandé de chanter pour la cérémonie d'enterrement de l'un de ses amis. Étrange, parce que les enterrements me mettent toujours mal à l'aise...
Après moult péripéties pour contacter un organiste (je veux dire : un qui soit libre), je me rends à l'église dite à l'heure dite pour répéter un peu avec celui qui allait accompagner la cérémonie : l'ancien titulaire (parce qu'on est titulaire d'un orgue), désormais à la retraite et titulaire honoraire - "je n'ai jamais autant travaillé que depuis trois ans que je ne travaille plus", me dit-il !
On ne se connaissait pas, alors il me demande si je suis un habitué des charges liturgiques et, devant ma réponse négative, me demande ce que je fais, alors.
"Concertiste", lui réponds-je.
"Ah, très bien ! et vous chantez au Choeur de l'Opéra ? ou à l'O.R.T.F. ?"

mercredi 17 septembre 2008

classe de maître

Olivier m'a fait la surprise de m'emmener hier soir au Théâtre de Paris voir Master Class, la pièce de Terence McNally interprétée par Marie Laforêt dont on avait déjà tellement parlé en 2000, et pour lequel elle avait gagné un Molière de la meilleure actrice.
Le texte est très largement inspiré des dernières master classes que donna Maria Callas, à la Juilliard School à New York en 1972, alors qu'elle était de longtemps privée de sa voix...
C'est une nouvelle adaptation, une nouvelle distribution et une nouvelle mise en scène. Je n'avais pas vu la première donc je ne peux pas comparer - mais j'ai été, comme toute la salle, particulièrement fasciné par la prestation de la comédienne qui, pendant près de deux heures, est quasi seule à parler, à habiter un si extraordinaire personnage.
Car c'est bien Maria Callas qui est le personnage central de ces leçons : en tant qu'enseignante bien entendu, même si elle dit à plusieurs reprises qu'elle n'est pas là, qu'il ne faut pas la regarder et que ce n'est pas elle la vedette de la soirée - même si elle est omniprésente... (ça, c'est du Callas dans le texte, je suis sûr) - mais surtout, par ses longs soliloques quasi fantômatiques, en tant que Maria Sofia Kalogéropoulos, cette femme grecque si terriblement seule et blessée qui se cachait derrière la si célèbre artiste.
La première partie est magnifique, qui nous montre la vieille diva exécrable avec tout le monde, totalement centrée sur elle-même et ses anciens succès, qui va petit à petit s'humaniser, jusqu'à la fin de la première partie (par un artifice totalement extraordinaire que je ne révélerai pas !), véritable apogée de la pièce. Après la pause, la seconde partie ne tient malheureusement pas les promesses de la première : elle est plus banale, plus convenue (on y croise deux types de chanteurs particulièrement marqués : la soprano imbue d'elle-même et le ténor con comme ses pieds mais qui chante divinement) - et un peu décevante lorsqu'on nous ressert, un peu froid désormais, le même génial artifice qui concluait la première partie (celui dont je ne dirai toujours rien).
Pour la performance de Marie Laforêt, magnifique, et pour apprendre un tout petit peu de la femme qui se cachait derrière la chanteuse (et entendre quelques phrases particulièrement cinglantes sur les réalités de notre métier d'artiste...), il faut aller voir Master Class. Puis-je me permettre de conseiller à ceux qui, comme moi, était scotchés à leur siège à la fin de la première partie - de rester sur cette émotion forte et de partir à l'entracte ?

lundi 15 septembre 2008

mon cinoche

l'entrée de chez moi aujourd'hui...

Cet après-midi, en sortant de chez moi pour aller faire des courses, je vois ça : des chaises et tout un attirail qui ressemble beaucoup à du cinéma. En sortant dans la rue, plus de doute : des caméras partout, et des techniciens qui montent du matériel.
En rentrant de mon supermarché, avec de quoi faire un pâté aux prunes pour Olivier qui adore ça, il pleut devant ma porte (et seulement devant ma porte), j'entends "moteur action" puis tout de suite "coupez, on n'a pas de son". J'en profite donc pour me glisser chez moi, avec la permission d'un technicien (qui s'est ensuite fait engueuler, le pauvre : "on laisse entrer personne - mais il habite là" - de toute façon, s'il m'avait obligé à rester dehors c'est moi qui l'aurais engueulé, le pauvre !) - et je me retrouve nez à nez avec Elsa Zylberstein, qui j'avais tellement adoré dans le film de Philippe Claudel.
Comme quoi il n'y a pas que mon coiffeur qui a le droit de côtoyer les stars...
Je vous préviendrai quand le film sortira !

dimanche 14 septembre 2008

bébé nageur

what else ?!

alors ça, si c'est pas un bébé de magazine je ne sais plus quoi dire...

Albane a passé quelques jours avec son papi et Camille,
et apparemment ils se sont bien amusés à la piscine...

jeudi 11 septembre 2008

nine eleven

L'autre jour, cette affiche dans les couloirs de la gare de Caen : "et vous, où étiez-vous le 11 septembre 2001 à 14h46 ?"
Ben c'est simple : j'étais dans les rayons d'un magasin de partitions, rue de Rome à Paris. J'entends la vendeuse parlant avec un client : "oui, il paraît que des avions se sont écrasés dans les tours du World Trade Center". Je sors de mon portefeuille mon billet d'entrée pour le WTC, quelques mois avant (j'y étais monté le 10 février, pour mon premier passage à New-York, au cours d'une tournée où on chantait, justement, Actéon), et je sors du magasin : trois quarts d'heure de métro pour me retrouver, comme des millions de personnes, devant ma télé à regarder jusqu'à satiété les images des avions explosant ou des tours s'affaissant.
Un mois plus tard, tout juste, j'étais de nouveau à New York, devant Ground Zero fumant encore, entouré de gens qui pleuraient (l'image de ce vieux monsieur pleurant tout seul, derrière moi, n'est pas prêt de s'effacer de ma mémoire). Il meurt des milliers de gens chaque mois dans des attentats en Irak ou au Pakistan, et c'est ceux-là qui me marquent le plus : pourquoi ?

mercredi 10 septembre 2008

prise 277

alors là c'est la bonne - en tout cas c'est la dernière : le montage final de ces quelque 50 secondes de musique sera un savant mélange de toutes ces prises, et des trois ou quatre autres faites avant que je ne commence à filmer - une note (une note !) de cette prise, deux mesures, de celle-là, et trois de cette autre.
Voilà : c'est ça la réalité, pas glamour du tout, de l'enregistrement de disques : refaire, encore et encore, et ne pas savoir ce qui sera dans le disque, parce qu'on n'est pas au montage au moment du choix des prises...
Normalement, ce duo enchaîne sur un choeur - qui n'est pas présent au moment de l'enregistrement : il a été enregistré la veille et, au montage, on n'y verra que du feu !... moi, maintenant, pour me souvenir de toutes ces galipettes faites au moment de l'enregistrement (on enregistre la page 4 avant le 1, puis la 2 et la 5, et enfin la 3, mais seulement le lendemain, parce qu'il n'y a pas de choeur, par exemple...), je garde les plannings d'enregistrement...

prise 276

alors là c'est encore plus court : quelqu'un a dû se planter, on s'arrête au bout de quatre secondes...

prise 275

troisième et dernier jour d'enregistrement, prise 275 : sortie de piste au bout de quelques secondes - Dieu, les micros et le directeur artistique, relié à celui-ci (et peut-être à celui-là, qui sait ?!), savent pourquoi. Les artistes devant les micros, non.

mardi 9 septembre 2008

"Ciel, je suis découvert !"

Ce sont les mots que chante Actéon quand, observant Diane et ses soeurs au bain, il est apreçu par la déesse, qui va le transformer en cerf. Tout ça dans Actéon, la pastorale de Marc-Antoine Charpentier.
C'était un secret de pacotille, mais le commentaire de monsieur Mambrino sur ma dernière note m'oute totalement : apparemment, tout le monde sait mon prénom (bien sûr, je le donne !) et mon nom... Secret de pacotille parce que monsieur LeHérisson avait levé il y a plusieurs mois un bout du voile, dieu et lui-même savent comment - monsieur Le Hérisson en avait parlé à monsieur Joss, qui lui-même en avait parlé à monsieur Andesmas qui m'en avait parlé.
Bref : je savais que j'avais été découvert. Mais là, par un inconnu qui, tombant sur ma chronique sur Bassani, se rend compte qu'il m'a entendu en concert, c'est tout de même surprenant. Comme quoi on n'est jamais très bien caché, même derrière son petit doigt.
Boh - rien de très grave, je ne dis ou ne fais rien ici qui soit prohibé ou qui puisse porter atteinte à quiconque dans ma profession, alors...

samedi 6 septembre 2008

Le Roman de Ferrare

Qui aime les livres et ne connaît pas Les Cahiers de Colette, rue Rambuteau à Paris, rate quelque chose : une des belles librairies de Paris, avec une cheftaine libraire (très) haute en couleurs, et surtout un lieu où les vendeurs connaissent les livres et savent donc ce qu'ils ont à vous vendre, prenant même le temps de le faire - une perle, quoi...
C'est donc Colette qui, un jour d'errance livresque, me voyant tiquer sur ce gros livre (que ce soit dit : j'adore les gros livres, même si je mets ensuite des semaines à les lire...), me demande si je connais. Devant ma réponse négative, elle me le colle quasiment dans les mains, me disant "vous allez adorer". Deux ans bientôt que ce gros Quarto Gallimard veillait sur l'étagère des "non lus" (et de ce fait non classés) de ma bibliothèque, m'invitant au phantasme.
Devant le planning de l'été, j'ai décidé que l'heure était venue de m'y plonger avec délices - et c'est Colette qui avait raison : ce gros livre est tout simplement fabuleux.
Ce gros livre, c'est Le Roman de Ferrare de Giorgio Bassani, une sorte de Recherche du Ferrare perdu... C'est une somme à plusieurs titres : déjà parce que ça fait plus de 700 pages en grand format écrit bien petit, et surtout parce que Bassani y a réuni toute sa production en prose (c'était un très grand poète), soit six textes de forme et de nature très différentes avec un personnage central : la ville de Ferrare. Pas celle du temps de la splendeur de la cour d'Este : celle du XXème siècle, avant et après la grande fracture du fascisme et de la persécution des juifs.
Six textes : deux recueils de nouvelles, trois romans courts et un roman plus long, le plus célèbre de son auteur : Le Jardin des Finzi-Contini. Si les formes changent, perdure une prose absolument magnifique, complexe et exigeante, mais terriblement enivrante - et passionnante. Certains textes sont, par leur brièveté, claquants comme des gifles (Derrière la porte, terrifiante nouvelle semble-t-il autobiographique...) ou d'autres, s'inspirant du Nouveau Roman français (Le Héron), nous laissent dériver dans le malaise.
On peut lire Le Roman de Ferrare en continu ou en fragments (encore que je ne sais pas si chaque texte est publié séparément) : les textes ne sont ni chronologiques ni consécutifs, pas même dans la fausse autobiographie, à la première personne, que constituent les second, troisième et quatrième volumes - un personnage est évoqué d'un roman à un autre, mais souvent en manière d'anecdote plus que de référence. La lecture au long cours de ce Roman (dans cette magnifique édition de semi-poche, Quarto Gallimard : la couverture est belle et solide, la typographie belle et on peut, du fait de la reliure souple et de l'épaisseur du volume, lire à livre ouvert, sans tenir les pages) offre cependant une plongée dans une écriture magnifique, des textes très forts et donne, tout simplement, envie de se rendre à Ferrare.

Giorgio Bassani, Le Roman de Ferrare, Quarto Gallimard ; 752 pages, 25€.

vendredi 5 septembre 2008

retrouvailles mauriaciennes

Je suis un grand lecteur et, partant, j'achète beaucoup de livres. Mais je déteste abîmer mes livres et, du coup, je déteste acheter des livres abîmés : c'est donc rarissime que j'achète des livres d'occasion.
C'est pourtant ce qui m'est arrivé il y a une dizaine de jours à Toulouse : sur un marché, un livre m'a tendu les mains et m'a dit "achète-moi". Je l'ai fait. C'était rien d'autre qu'un petit livre de poche, édition que je n'aime pas beaucoup d'habitude - mais son odeur de vieux livre et de bibliothèque s'accordait bien avec le nom de son auteur : François Mauriac, qui sent lui-même beaucoup la vieille bibliothèque...
Il faut dire que pendant mes études de Lettres, j'ai étudié deux années de suite Mauriac, avec un prof dont les cours étaient prêts depuis 10 ou 15 ans, et qui ne faisait même pas semblant de les adapter. Bernard Chochon s'appelait l'inénarrable, et sous sa conduite, Mauriac avait tout d'un vieux catho verbeux.
C'est donc fort surpris que j'ai acheté La Fin de la Nuit, de François Mauriac, dans une édition du Lirve de Poche datée de 1963. Un joli livre avec une tête de femme peinte sur la couverture, et dans la couverture duquel il est écrit "le Livre de Poche paraît toutes les semaines".
Il paraît que ce livre était une manière de suite à Thérèse Desqueyroux, autre roman mauriacien qu'il me semblait bien avoir lu - mais il y a tellement longtemps que je suis allé chez le bouquiniste le plus proche pour l'acheter et le relire (l'expérience prouvera que je l'avais déjà, survivance d'une autre époque où, visiblement, j'avais déjà bien aimé ce texte).
Eh bien voilà, que ce soit dit : Bernard Chochon, acceptez mes plus plates excuses : François Mauriac n'est pas le vieux con verbeux que vous nous avez présenté. Il est au contraire, dans Thérèse Desqueyroux, un magnifique compositeur d'intrigue (Thérèse, qui n'a pas été reconnue coupable de l'empoisonnement de son mari, prépare dans la voiture qui la ramène vers celui-ci son explication, et sa défense) et, dans La Fin de la Nuit, où l'on retrouve une Thérèse vieillie et mourante en prise avec les dernières affres de la passion amoureuse, un très fin observateur de l'âme humaine.
Ni ici ni là aucun Dieu salvateur, aucun vieux christianisme ranci (il me souvient d'un Mystère Frontenac particulièrement pénible à ce sujet...) - mais au contraire une prose d'une limpidité et d'une beauté vraiment remarquable. Je suis heureux d'avoir renoué avec François Mauriac, et j'ai hâte de me replonger dans d'autres de ses romans.
Tout ça grâce à un vieux Livre de Poche acheté sur un marché toulousain un matin d'enregistrement...

mardi 2 septembre 2008

le grand saut




C'était le 23 août, vers 16 heures : je finissais de faire ma voix avant de partir pour le raccord et le concert. Quand je suis à l'hôtel, je fais ça la télé allumée - sans le son, mais avec l'image.
Et, quel bonheur - voilà que je tombe en direct sur l'épreuve du plongeon masculin. S'avance un concurrent ; il plonge et il sort, pleurant de joie et embrassant tout le monde : ce petit mec venait de devenir champion olympique, à la surprise générale semble-t-il (oui : le sport pour moi c'est surtout esthétique...). 4 secondes plus tard tout était différent.
Matthew Mitcham il s'appelle le beau bébé, et je viens de découvrir qu'il est ouvertement gay. Bon. Je garde surtout de lui l'image d'un magnifique garçon tellement concentré avant son saut, de ses larmes ensuite - et de l'envie que beaucoup ont dû ressentir comme moi : de le prendre dans mes bras.

lundi 1 septembre 2008

un été de Lapin

alors voilà : il paraît que la saison estivale est terminée, que septembre est arrivé...
L'heure d'un petit bilan rigolo d'un été de Lapin Chantant -

du 1er juillet au 31 août j'ai :
- donné 12 concerts
- enregistré 2 disques
- eu 18 jours de répétitions pour tout ça
- voyagé 94 heures, en train ou en bus
- dormi dans 24 endroits différents et
- passé seulement 12 nuits à Paris
- pris 15 jours de vacances
- lu 11 livres
- regardé 54 épisodes de Scrubs en DVD (pendant les pauses, c'est super)

de quoi nourrir plusieurs billets à venir, - puisque je suis à Paris pour quelques jours, vu que je me suis fait virer d'une production : to be continued !

jeudi 21 août 2008

...du reste de ta vie

Ceux qui lisent régulièrement ce blog (est-ce que c'est simplement l'été ou est-ce que c'est simplement que ce que j'écris n'intéresse plus personne ? je n'ai quasiment plus de commentaires, et peut-être donc plus de lecteurs ?...) le savent : j'aime les petites histoires qui disent des choses plus profondes qu'elles ne le laissent paraître de prime abord. C'est pour ça que je suis un lecteur de fictions uniquement, et que j'aime les films "réalistes" : parce qu'ils offrent une fenêtre pour entrer dans ma réflexion, parce qu'ils me marquent souvent très profondément, en ce qu'ils me rejoignent profondément...
Je suis allé voir par le plus grand des hasards (merci la carte UGC et les après-midis d'errance cinématographique...) Le premier jour du reste de ta vie, de Rémi Bezançon. Non seulement par hasard mais, qui plus est, à contre-coeur : j'avais vu la bande-annonce, et elle ne reflète pas le vrai visage du film, à mon sens. On s'attend à voir une gentille comédie française - c'est à une micro radioscopie de la famille française qu'on assiste pendant près de 2 heures.
L'histoire ? en cinq chapitres, qui sont autant de dates marquantes, on nous raconte l'histoire d'une famille française. D'une simple famille française - une petite histoire, en somme, faite de petites choses, de ces détails qui ne marquent absolument pas l'Histoire, ni même l'histoire : un fils qui part habiter seul, une fille qui grandit, un père qui a mal au dos... Impossible d'en raconter plus parce que ce film est fait de petites choses, de ces choses qui, moi, me touchent tellement profondément.
Ils sont donc cinq acteurs principaux, et les quelques autres qui gravitent autour d'eux : ainsi Roger Dumas est-il un grand-père vraiment remarquable, et Jacques Gamblin un père à la fois présent, discret, attentif et effacé - mais c'est Zabou Breitman qui porte le film de bout en bout, à mon sens : on la voit vieillir avec ses enfants, ne plus les comprendre, essayer de continuer à être là quand même, et c'est absolument formidable. La manière dont elle mange quand même un petit four au mariage raté de son fils raconte beaucoup sur cette mère, et sur la parfaite adéquation de son interprète.

lundi 11 août 2008

viré

Il y a maintenant 8 ans que j'exerce à plein temps le métier de chanteur.
Je suis très lucide sur mes qualités et mes défauts - surtout mes défauts, il est vrai. J'ai, entre beaucoup d'autres, celui de n'être pas sûr de moi, de me sentir souvent illégitime, comme un imposteur au sein d'une équipe. Pendant de nombreuses années, je suis souvent parti pour une production en me disant que j'en serais certainement viré avant la fin, qu'ils se rendraient compte que je n'étais pas la personne requise pour ce travail et qu'il y avait erreur...
Et puis j'ai progressé, au moins sur ça : je travaille, dur, pour arriver le plus prêt possible aux premières répétitions, sachant que la première impression est souvent marquante et durable, et j'ai perdu cette inquiétude qu'on me dise "désolé, mais on s'est trompés, vous pouvez rentrer chez vous". On me dit souvent que je suis un chanteur fiable, et ce n'est pas la moindre de mes avancées.
Et voilà que ça m'arrive - que ça m'arrive en fait pour la première fois : samedi, un chef avec qui j'avais eu grand plaisir à travailler m'a envoyé un mail pour me dire qu'en fait il préférait que je reste chez moi pour la suite de la production, le mois prochain. C'est amusant : je m'y attendais, quelque chose que je ne saurais pourtant décrire dans l'ambiance du travail m'avait gêné, malgré son intérêt. Sans doute sentais-je que j'étais à la limite de mes moyens, et surtout qu'on ne me disait rien pour soit me mettre à l'aise soit me faire avancer.
Je me retrouve donc avec plein de temps libre le mois prochain. J'aurai le temps de retourner au cinéma, de m'occuper de ma maison, de regarder les quarante films que j'ai enregistrés, de travailler pour la suite (chargée) - peut-être aussi un peu de me remettre en question et, pourquoi pas, de déprimer. Mais je vais essayer de ne pas...

mardi 5 août 2008

l'Emmerdeuse

C'était un long voyage en train, de ces voyages qu'on aime faire tranquilles, en lisant ou en dormant un peu...
Elle est montée à Lyon. Je l'ai tout de suite vue : entre deux âges, habillée comme Simone de Beauvoir sur les photos de ses livres, avec un turban sur la tête - d'une élégance surannée, et des lunettes depuis longtemps passées de mode.
Elle a tout de suite commencé à parler avec sa voisine, juste de l'autre côté du couloir. Quand je dis parler - à solliloquer comme ces gens atteints de diarrhée verbale qui peuvent parler (à forte et intelligible voix, autant que faire se peut) de tout pendant des heures à leur voisin qui n'en peut mais. Il suffit d'acquiescer une seule fois pour que le flot se déverse, sans jamais tarir. Nous apprîmes donc que l'Emmerdeuse était professeur dans une université et qu'elle allait en vacances chez un de ses enfants, qu'elle devait encore changer de train à Vendôme pour prendre la dernière correspondance pour Paris et qu'il ne fallait pas qu'elle la rate, sinon elle serait bien embêtée mais peut-être qu'elle pourrait éventuellement descendre à Tours pour dormir chez un autre fils si on avait un problème.
Voilà notre Emmerdeuse partie vers la voiture bar (après avoir longuement disserté à forte voix sur quelle direction prendre pour y aller, et si la voiture bar était en wagon 14 ou 4, parce que la semaine dernière c'était dans la 4...) et, du même coup, notre "espace bas" redevenu tranquille. Je me replonge délicieusement dans Bassani (ça, j'en reparlerai !) - et revoilà notre Emmerdeuse, rassasiée, qui revient une demi-heure plus tard en disant que vraiment c'est pas si cher le wagon bar, qu'on paie le même prix dans un restaurant, qu'il y a une formule à tel prix et une autre à tel autre et que quand même c'est pas si mauvais, en fin de compte.
Puis, enfin, elle entame la lecture attentive (et annotée) d'un gros livre. Normal, pour un prof d'université, pensé-je. Nous voilà tranquilles, pensé-je aussi. Las ! il fallait à notre Emmerdeuse un calme et un silence total pour lire - ce qui, après le bordel qu'elle avait foutu en parlant haut et fort, était déjà un comble : la voilà donc partie à arpenter le couloir et à dire à untel "c'est votre ordinateur qui fait ce bruit ?", à tel autre "vous pourriez baisser vos écouteurs ?"... J'ai cru voir Dolorès Ombrage sortie d'un Harry Potter.
On continue notre longue route, l'Emmerdeuse lisant et annotant, puis enfin dormant (l'occasion pour moi de voir qu'elle lit, avec toute l'attention susnotée, une biographie d'... Yves Saint-Laurent !). Puis, tout d'un coup, la panne : le train s'arrête, sans explication, puis, un moment après, on apprend que nous avions un problème de caténaire et que nous allions devoir repartir en sens inverse, que nous aurions donc probablement un retard d'une demi-heure au moins.
Voilà donc notre Emmerdeuse, bien réveillée, qui recommence à parler à sa voisine de son train à prendre à Vendôme, de ce que c'est le dernier et de ce qui se passera si on a du retard - et de vérifier, une fois encore, sur son horaire, prenant sa voisine à témoin de l'horreur de sa situation.
Le retard se confirme et même augmente. L'Emmerdeuse demande donc à mon voisin (celui à qui elle a tout à l'heure dit de baisser ses écouteurs) si elle peut lui emprunter son portable parce qu'elle n'en a pas ("mon frère dit que je suis un fossile", ajoute-t-elle), pour appeler son fils. Il s'exécute, pas rancunier. La communication est mauvaise et elle hurle dans le téléphone (puisqu'elle parlait déjà bien fort à sa voisine, c'était inévitable) qu'elle est dans le train ("nous aussi", dit quelqu'un dans son dos !) et qu'elle sera en retard parce qu'"on a un problème de cathéter".
Tout le wagon éclate de rire. Il n'y avait donc pas que moi qui étais exaspéré...

mardi 15 juillet 2008

Les Murs porteurs

Hier soir, Olivier voulait aller voir Les Murs porteurs au cinéma. Il en avait entendu parler à la radio et pensait que ce serait bien. Alors pourquoi pas ! Pour ma part, je m'attendais à une gentille fantaisie immobilière, à une comédie drôlatique...
En fait, Les Murs porteurs, de Cyril Gelblat, raconte l'histoire de l'agonie d'une femme juive, et de comment ses enfants, quinquagénaires (Miou-Miou, magnifique, et Charles Berling), vivent ce déclin, et de comment la vie va quand même - même après l'agonie et la disparition des parents, les murs porteurs du titre...
J'ai, encore une fois, beaucoup pleuré. Parce que le film est très touchant, mais surtout parce que je prenais conscience au fur et à mesure d'une peur terrible que je ne savais pas avoir : la peur de la mort de ma grand-mère, pourtant inéluctable et, malheureusement, proche.
J'ai réalisé que je vis en ce moment une période de changement : mes parents seront tous les deux à la retraite au mois de septembre, ma grand-mère, dont j'imaginais qu'elle vivrait éternellement, a maintenant 99 ans et deux mois (à cet âge-là, c'est comme pour les enfants : il faut compter en mois), et mon frère est papa. Oui, c'est étrange : j'ai dit ici plusieurs fois que je n'avais pas peur du temps qui passe et j'étais sincère. J'ai réalisé cependant hier soir que j'avais une peur panique, non pas du temps qui passe mais du changement qui s'amorce : bientôt je ne serai plus du tout un enfant. J'ai l'impression que les dernières amarres qui me retenaient encore tant soit peu dans le monde de mon enfance sont en train d'être larguées, avec mes parents qui n'iront plus embaucher et ma grand-mère qui peut emporter tous ses souvenirs dans sa tombe à tout moment maintenant. Je n'ai pas d'enfant, bien entendu, mais mon frère oui, et le temps passe, quoi qu'on fasse pour le retenir.
Je ne sais pas comment je peux me préparer pour la vie qui vient - je ne sais pas comment me préparer à la mort de ma grand-mère, et je sais que je ne peux pourtant pas imaginer le monde (mon monde) sans elle.
Je suis terrifié.

dimanche 6 juillet 2008

allégresse

Dans notre (beau) métier de musicien, on a tendance à enfiler les concerts comme des perles, aidé en cela par leur multiplication (dieu merci ! puisque j'ai la chance de pas mal travailler...) et par le fait que, dans l'ensemble Truc ou dans l'ensemble Machin, les collègues soient en fait souvent les mêmes : c'est comme si on était ensemble et que les choses avaient une sorte de permanence. On a malheureusement tendance à oublier qu'on est là pour susciter l'émotion, ou au moins l'intérêt, chez ceux qui nous écoutent... Et à oublier que si on est là, c'est aussi dans notre intérêt, pour apprendre, faire mieux, se laisser motiver et se faire avancer par ceux qui sont en face de nous, qui nous engagent bien sûr mais aussi qui nous amènent plus loin dans notre (beau) métier de musicien.
Ce long préambule pour expliquer mon allégresse du jour - je participe à une production qui a commencé hier et qui m'angoissait un peu : avec un nouvel employeur, au sein d'un ensemble qui a le vent en poupe, au sein d'une équipe épatante - donc inquiétante pour moi, éternel petit chanteur dans mon âme. La trouille, quoi, celle qui te bloque les épaules et les mâchoires.
En plus, c'est pour chanter une oeuvre qui me tient tout particulièrement à coeur, la Passion selon saint Jean de Bach, une de ces oeuvres qui m'ont fait devenir chanteur et avec lesquelles je sens, en tant qu'interprète, la plus grande proximité - intellectuelle, vocale, sensuelle aussi.
Bien qu'Howard dise de moi que je suis "born to be an Evangelist", là je chante les choeurs, dans une version à 8 chanteurs. C'est très peu, et c'est passionnant. Et puis quel bonheur quand, quand on chante une oeuvre qu'on a déjà donnée 15 fois et qu'on connaît par coeur, on entend des nouvelles choses, quand le chef suscite de nouvelles choses - quel bonheur quand le travail professionnel (payé, en un mot !) nous en apprend autant, nous fait finalement, par le simple fait de la musique, mieux chanter qu'avant : progresser, tout simplement. C'est assez rare, dans un métier où on nous demande de (bien) faire ce qu'on sait faire (on s'est quand même cogné des années d'études, sans parler des quotidiennes remises en question... c'est pas pour être incapable d'autonomie, quand même !), souvent par manque pur et simple d'argent, et donc de temps.
Continuer d'apprendre son métier et en retirer un telle exaltation est rare - et grisant.

samedi 5 juillet 2008

sempre libera...

C'était la belle nouvelle de mon réveil jeudi : Ingrid Bétancourt était enfin libre. Belle manière de se réveiller, grande joie de savoir cette femme en vie.
Depuis, on la voit et on l'entend beaucoup, et ses silences, surtout, me touchent profondément. Comme je suis un garçon très sensible... je suis souvent ému aux larmes par le visage et les paroles de cette femme.
C'est un petit mal pour un grand bien : on ne verra plus ses enfants interrogés et filmés à la télévision. Ces jeunes gens ont été vraiment extraordinaires de dignité et de courage, il me semble. Et j'aimais bien le joli visage et l'air réservé de Lorenzo.
Nous ne les verrons plus à la télé et c'est une belle nouvelle pour eux !

vendredi 4 juillet 2008

à nous de vous faire préférer le train...

Hier soir, je donnais un concert à Bordeaux. Au départ, j'avais prévu de passer la journée d'aujourd'hui en touriste à Bordeaux, et puis hier mon habituelle angoisse de "je ne suis pas prêt pour la production qui commence demain" m'a pris et j'ai décidé de changer mon billet pour, finalement, rentrer dans la matinée. Ce matin, réveillé avant 6 heures, je décide donc finalement de prendre le train encore plus tôt que prévu, car à quoi bon rester à glander à l'hôtel ?...
J'avais donc acheté un billet Pro (c'est-à-dire super plein pot) pour, justement, pouvoir décider à peu près à ma guise de mon heure de départ. Billet que j'ai échangé hier soir, après avoir décidé de rentrer ce matin. Billet que j'ai de nouveau voulu échanger ce matin, because réveil matitudinal.
Eh bien non : ce billet qu'on paye vraiment cher justement pour pouvoir l'échanger facilement n'est en réalité échangeable qu'une seule fois. Après, on ne peut même pas vous le rembourser au guichet : il faut l'adresser au service client, attendre deux mois le remboursement et cependant acheter un nouveau billet. Mon retour Paris-Bordeaux m'a (putativement) coûté 148 euro.
Moyen proposé par la gentille dame du guichet ce matin : pour pouvoir échanger son billet Pro autant qu'on veut il faut le faire au guichet pas dans une billetterie automatique - ben ça tombe bien, moi si je paye plein pot c'est justement pour pouvoir échanger simplement et rapidement...
Y'a des fois où je me demande où la SNCF va chercher ses règlements...

lundi 30 juin 2008

putain, quinze ans


C'était il y a 15 ans : les résultats du bac, la mention et puis l'emménagement à Angers, la vie universitaire, plein d'espoirs nouveaux qui s'offraient à moi.
15 ans... presque la moitié de ma vie. Pourtant je m'en souviens comme si c'était hier, de notre vieux prof de philo venu nous soutenir et rigoler (c'était pourtant pas son genre, tout le reste de l'année...) avant l'épreuve, de mon oral de maths et de mon incrédulité à l'annonce des résultats par mon père en pleurs - c'était l'époque où mon père et moi on avait du mal.
15 ans... c'est très long quand on y pense, et pourtant c'est passé comme un clin d'oeil. Un autre clin d'oeil et j'aurai... 47 ans - mon Dieu... Comme je l'ai déjà dit, je n'ai pas peur de vieillir mais peur de me retrouver vieux, de dire comme ma mamie "mais j'ai l'impression d'avoir soixante ans" quand elle en a eu 95...
Et c'est pas mes premiers cheveux blancs qui vont me rassurer...

samedi 28 juin 2008

"de moi vous osez vous fouter ?!"

Alors voilà : quand on va beaucoup au cinéma, et même si on choisit un peu, on s'expose à voir de bonnes daubes. Petite revue de détail...
Je suis allé voir hier Bons Baisers de Bruges, une sorte de polar avec Colin Farrell, tueur à gages coincé à Bruges après une bévue. "Bruges est un trou à rats et on va s'y ennuyer", dit-il dès le début : pari gagné, sans conteste - il est heureusement rarissime que je sorte ma montre au milieu d'un film pour voir combien de temps il reste, mais hier je l'ai fait... Tout s'étire en longueur, certains dialogues sont incroyables (à mon avis ils avaient du temps à remplir, pour faire des textes aussi plats et longs...), les situations abracadabrantesques - le film hésite tout le temps entre sérieux et pastiche, et le spectateur entre incrédulité et colère.
Mais ce n'est rien à côté de Phénomènes, le dernier film de M. Night Shyamalan ! j'avais beaucoup aimé Sixième Sens, avec Bruce Willis, il y a quelques années, en ce qu'il mêlait paranormal et réalité avec beaucoup de doigté et de cohérence. Là, il n'en est rien : d'une situation étrange (des gens se suicident par dizaines subitement) il en tire - absolument rien, si ce n'est une vague morale écolomoralisante à deux balles et, surtout, pas d'explication cohérente. Et que dire de scènes invraisemblables (le couple héros, survivant à grand peine, décide subitement de se sacrifier, en une scène très davidhamiltonienne du pire effet), de portes ouvertes par le scénario jamais exploitées (notre couple héros séparé, les deux protagonistes ne pouvant que se parler sans se voir), ou encore d'une fin qui n'a rien à voir avec le potage (la dame du couple héros, évidemment miraculeusement épargné, est enceinte...) ? rien, sinon qu'on a vraiment l'impression d'être pris pour des cons, en toute simplicité.
Si vous avez une carte d'abonnement et du temps à perdre... sinon, allez voir Sagan ou Valse avec Bachir, bien plus questionnants.

vendredi 27 juin 2008

homme à lunettes...

Ca fait trente ans que j'ai des lunettes et ça ne m'était jamais arrivé : les perdre - en faisant du vélo dans Paris : elles ont glissé de mon sac (ça m'apprendra à bien le fermer...)...
Il m'a donc fallu retourner chez un ophtalmo (et pan, 60 euro...) puis, sainte horreur, choisir de nouvelles lunettes. Pour moi, les lunettes c'est comme un téléphone : c'est juste là parce qu'on en a besoin, pas pour être joli ou je ne sais quoi. "Erreur", s'écria Olivier, qui m'emmena chez un lunettier design et cher où je me sentis le plus piteux des hommes : pourquoi mettre 300 euro dans un truc simplement utile ? Lunettier chez lequel on constata que l'original n'était pas vraiment fait pour ma banale tête - ou alors que ma tête était déjà tellement originale qu'il n'était nul besoin d'en rajouter, je laisse l'interprétation à votre loisir.
A la suite de quoi nous écûmâmes les lunettiers banals de Paris à la recherche de la lunette moins-originale-mais-un-peu-quand-même que je pourrais porter. Et nous la trouvâmes finalement, après une heure d'horreur découragée où je constatai que ce qui me plaisait était à la mode au siècle dernier...
Alors voilà : demain, jour de Gay Pride et de gloire, je retrouverai des lunettes. Enfin : mes yeux me piquent et me brûlent ("est-ce que ça vous chatouille ou est-ce que ça vous gratouille ?") et j'en ai plein le dos...

mardi 17 juin 2008

"c'était il y a longtemps"

On dit qu'une personne âgée qui meurt c'est une bibliothèque qui brûle - avant que celle de ma grand-mère ne brûle, j'en tire tous les livres que je peux.
J'ai vu ma grand-mère samedi dernier, pendant environ une heure. Tout seul - j'aime bien la voir seule : je lui laisse le temps de penser, de parler tranquillement, je ne finis pas ses phrases à sa place comme le fait ma mère... Du coup elle me parle de choses très anciennes : samedi, c'était du temps de son mariage, de sa belle-mère - que j'ai connue petit -, de comment elle a élevé ses frères après la mort de ses parents... Recevoir ces confidences me réjouit. Je me sens comme le dépositaire d'une toute petite histoire, mais d'une petite histoire qui est une part de la mienne. J'ai de la chance de pouvoir en profiter.
Mais nous courons contre la montre : à chaque fois que je quitte ma grand-mère j'ai l'impression que c'est pour la dernière fois. Quand je suis parti samedi, elle a laissé très longtemps sa main gauche sur mon avant-bras droit, peut-être pour m'empêcher de la laisser seule trop vite ? peut-être pour sentir avec moi un contact profond, silencieux, entre nous ? quatre jours après, je sens encore la brûlure de sa main sur ma peau. Je sais que j'aurai encore cette empreinte après sa mort, et qu'elle me liera à elle profondément, par-delà les souvenirs partagés.

lundi 9 juin 2008

petit sorcier

C'est Gilles qui m'a le premier encouragé à lire Harry Potter, après que je lui aie dit que je n'aime pas la science-fiction. Il m'a répondu que je passais vraiment à côté de quelque chose de formidable - alors, comme je considère Gilles comme l'homme le plus cultivé et de bon goût que je connais, je me suis fait offrir le collection complète, en plusieurs Noëls. Et je l'ai lue intégralement.
Deux mois et près de 4500 pages plus tard, je dis haut et fort que c'est vraiment remarquable, et que le succès de J.K.Rowlings n'est vraiment pas usurpé.
Bon : Harry Potter, ça commence un peu comme Le Club des Cinq au pays de la Magie, et il faut bien attendre le troisième des sept volumes pour que ça devienne un peu intéressant - faut-il rappeler que ces aventures sont destinées à des enfants à partir de 9 ans ?!... mais une fois attrapé le troisième volume, et même si le cinquième supporterait allégrement un coupe de trois cents pages - on ne peut plus décrocher.
Ce qui est véritablement fascinant dans cette imposante série, c'est de se rendre compte dans les derniers volumes que tout était en place dès les premières lignes, que rien n'avait été laissé au hasard dès le début - et que le phénoménal succès n'a certainement pas amélioré l'histoire, qui était de toute façon en béton armé. C'est vraiment une élaboration que je trouve assez parfaite : petit à petit, des aventures qu'on croyait closes se relient entr'elles et trouvent une nouvelle cohérence. Cette série est, au minimum, un jeu d'esprit prodigieux et véritablement époustouflant - tenir avec brio sur une aussi longue course !...
En plus, ma copine Aurélie, qui connaît tellement bien les fées et les elfes qu'elle écrit sa thèse sur ce sujet, dit que madame Rowlings est inattaquable au niveau de la mythologie féerique - et on côtoie souvent des préoccupations philosophiques majeures de l'existence : il est en particulier beaucoup question de la mort dans Harry Potter, et de choix. Mais aussi, et c'est ça qui est drôle et agréable, du premier baiser et des techniques de drague. Tout ce qui fait la vie d'un ado, en quelque sorte !
Je comprends désormais pourquoi tant d'adultes ont cédé (certains avec exagération, je le reconnais : ainsi ce collègue qui m'a dit avoir relu chacun des volumes à la sortie du suivant...) aux charmes du petit sorcier. Je comprends aussi ce minuscule petit garçon que j'avais vu dans le bus, il y a environ quatre ans, tirer de son sac à dos avec une évidente gourmandise un livre probablement aussi lourd que lui - un Harry Potter -: qui d'autre fait lire avec gourmandise des livres de mille pages à des jeunes enfants ?...

Nés en 1968

Je croyais que les français ne savaient pas faire de grandes sagas historiques au cinéma (ce que les italiens réussissent avec tellement de brio : voyez Nos meilleures Années et Mon frère est fils unique) - eh bien le dernier film du duo Ducastel-Martineau m'a prouvé le contraire ce soir.
Il faut dire qu'ils savent faire des films ces deux-là : qui n'a pas vu Jeanne et le garçon formidable, première comédie musicale sur le SIDA, ou Drôle de Félix, sorte de parcours initiatique d'un jeune homme qui traverse la France, doit le faire absolument !
Nés en 1968 est donc une saga, qui retrace les quarante dernières années de la société française à travers le prisme d'une famille, dans un sens très large : une douzaine de jeunes français partent vivre en communauté après 68, où ils vivront de l'air du temps et de leur travail de la ferme, et feront l'amour nus dans l'herbe... Le film nous montre comment cette communauté s'étiole et, surtout, ce que deviennent ces gens, et leurs enfants - en un mot, l'héritage de mai 68, pour reprendre une expression Sarkologique. L'occasion pour les cinéastes de réfléchir sur cet héritage, justement : qu'est-ce qu'il est devenu, comment ceux qui ont vécu cette époque vivent-ils désormais ? et comment leurs enfants l'envisagent-ils, le perpétuent ou le renient-ils ?
Je m'en suis tellement gaussé fut un temps que je dois le reconnaître maintenant : Laetitia Casta est formidable en fil conducteur de cette saga. Quelle beauté, déjà - et quelle justesse dans les changements d'humeur (et d'âge !) de Catherine. Il faut dire que les réalisateurs lui ont taillé-là un rôle merveilleux de femme qui tient tête aux années et aux aléas de la vie. Mention particulière aussi pour Christine Citti, habituée des seconds rôles et ici tout particulièrement touchante en mère perdue... et à tous ces beaux garçons, pères et fils, qui nous réjouissent l'oeil aussi !