lundi 31 mai 2010

Emmanuel

Je me souviens d'un jour, quand j'étais petit, à l'école primaire, avoir annoncé à ma mère que, quand j'aurais des enfants, je les appellerais "Sophie" ou "Emmanuel", du nom de mes deux meilleurs copains d'alors.
Je ne crois pas les avoir revus depuis que je suis entré au collège, à 15 kilomètres de la ville où nous allions ensemble à l'école : quinze kilomètres qui nous ont séparés. C'était il y a 25 ans et, si jamais nous nous sommes croisés, je n'en ai aucun souvenir. Je revois le sourire de Sophie, les tâches de rousseur et les oreilles décollées d'Emmanuel. On murmurait que sa mère était "dépressive", et moi j'imaginais qu'elle pleurait toute la journée.

Mes parents continuent parfois de me donner des nouvelles de l'un ou de l'autre : "Sophie a eu des jumeaux, elle vit en Polynésie", "je suis allé consulter Emmanuel - ah, je ne t'avais pas dit qu'il avait ouvert son cabinet à Montournais ?..."
Aujourd'hui encore ma mère m'a donné des nouvelles d'Emmanuel ; ce n'est pas difficile d'en avoir d'ailleurs, son nom est dans tous les journaux. Emmanuel a été retrouvé hier pendu, sa femme et ses quatre enfants mortellement blessés, dans leur maison.
Je me sens tout drôle.