dimanche 28 octobre 2007

pas Camille - Bénédicte !




C’est Jorris qui m’a présenté Bénédicte. Je me souviens très bien de la première fois où je l’ai vue, près du mur d’eau et des chevaux de bois des Halles – je me suis dit qu’elle ressemblait à ma cousine Véronique, avec le même côté volontaire et décidé que j’aime tant chez elle.
Rapidement, Bénédicte et moi nous sommes mis à travailler ensemble. Elle était au piano comme dans la vie : décidée, franche et entière. Que des qualités.
Nous avons beaucoup travaillé, durant une période qui n’était pas idéale dans la vie de Bénédicte. Nous nous sommes présentés à plusieurs auditions, que nous avons toutes ratées – et puis nous nous heurtions à nos limites personnelles et, un peu par décision de ma part, un peu par mon immense capacité à laisser dériver les choses en remettant toujours à demain le moment d’en parler, nous avons fini par arrêter nos répétitions.
On était bien sûr toujours amis, et je continuais par ailleurs ma marche dans la carrière : je rencontrais de nouvelles personnes, je voyageais beaucoup, je lisais beaucoup de nouvelles musiques, je donnais beaucoup de concerts. Pas de nouveau pianiste dans ma vie, mais pas non plus beaucoup de temps à consacrer à ce travail secret qu’est le récital. Parce que, bien sûr, le récital ne paye pas, ou tellement peu – mais en plus il demande une confiance, une osmose entre les deux partenaires qui doivent être à égalité, se partager la tache sans jamais que l’un ou l’autre veuille tirer à soi la couverture. Ca ne se trouve pas tous les jours, un partenaire de confiance.
Un jour de juillet 2006, Bénédicte m’invite à déjeuner, près de Bastille – et elle me dit sa tristesse de l’abandon de notre travail, le manque qu’elle en ressent, la douleur aussi de certaines de mes phrases malencontreuses… j’étais triste de l’avoir fait souffrir, parce qu’on n’aime pas savoir qu’on fait souffrir les gens qu’on aime, et surpris, parce que je n’imaginais pas que Bénédicte avait pris si fort à cœur notre travail, que nos séances dans la petite salle moquettée du conservatoire l’avaient marquée, et lui manquaient, autant.
Une occasion inattendue a fait que nous avons pu nous retrouver, avec deux autres chanteurs, pour préparer une pièce vraiment difficile pour un concert ; j’ai retrouvé en Bénédicte les mêmes qualités de musique et d’engagement – doublées d’une nouvelle et formidable confiance, d’une force, probablement déjà présente trois ans auparavant, que le bonheur de sa vie actuelle avaient révélées et décuplées : tant mes collègues, dans la préparation de cette œuvre, que les auditeurs de ce concert de juin, tous m’ont dit « cette fille est formidable ».
Avez-vous remarqué combien entendre de la bouche d’autres personnes ce qu’on pense en son for intérieur est comme un déclic, une sorte de confirmation et d’incitation ?! comme le hasard fait toujours bien les choses (puisque le hasard n’existe pas et que c’est plutôt une démultiplication de forces que nous avons en nous-mêmes qui crée ces moments fortuits), on m’a proposé à ce moment-là un récital avec piano : l’occasion était trop belle de cultiver le plaisir retrouvé et amplifié de travailler avec Bénédicte.
C’était hier soir, et nous avons passé des moments merveilleux ensemble, à préparer un programme d’une heure et demie de musique difficile et exigeante – et, évidemment, à le donner ! on porte un programme de récital en soi comme quelque chose de très intime et, après avoir travaillé des dizaines d’heures à le polir et l’apprendre convenablement, puis donné une fois, on se sent généralement vide, comme dépossédé de quelque chose qui nous importait tant, qui nous occupait tant depuis des semaines et qui s’est finalement passé si vite ! eh bien ce moment unique m’a non pas vidé mais au contraire empli : de la satisfaction d’un travail intense et précis, partagé avec une partenaire, à égalité et dans un échange profond et sincère.
Je sais ce matin que notre concert d’hier soir n’était pas une fin, mais bien au contraire une nouvelle étape, un porte qui s’ouvrait en nous. Notre aventure musicale va continuer – on a déjà des projets et des dates précis. Pour mon plus grand bonheur et mon plus grand accomplissement.

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