lundi 27 avril 2009

O Solitude, my sweetest choice...

La force de la fiction, c'est quand le réel (le réalisme, plutôt) dérive peu à peu vers une situation moins réelle, vraisemblable mais concentrée, en quelque sorte. Les japonais sont forts pour ça : ainsi Ryû Murakami qui, dans ses romans, prend parfois une voie à peine divergente du réalisme pour nous emmener dans un monde étrange.
C'est le cas de Tokyo Sonata, très beau film de Kioshi Kurosawa qui raconte la déliquescence et la recomposition d'une famille japonaise normale. Les quatre membres de la famille vont tous subir des traumatismes graves et une nuit d'errance (ou des semaines de guerre, hors champs, pour l'aîné) avant de renaître, en quelque sorte. C'est un film très dur, où l'on voit la famille (et avec elle le réel, en ce qu'il représente la vie courante, normale) se lézarder, les repas devenir de plus en plus silencieux, tendus en creux, puis la violence éclater - jusqu'à cette nuit, vécue en parallèle par trois membres de la famille, où plus rien n'est réaliste mais où tout peut enfin se construire, fut-ce dans un ordre différent. Un film éprouvant mais, par ailleurs, rassurant - quant à la capacité des hommes à refaire face.
C'est de ça aussi dont il s'agit dans Villa Amalia, de Benoît Jacquot, adapté d'un roman de Pascal Quignard : comment une femme peut-elle effacer sa vie et la refaire complètement ailleurs, si tant est que ce soit possible ?... peut-on vraiment choisir la solitude pour recréer autre chose ? tous ces sujets qui me touchent de très près en ce moment, lorsque je me demande si ce tourbillon pourra continuer longtemps.
Isabelle Huppert est cette Eliane-Ann qui ne part pas en déliquescence, elle, mais qui veut changer radicalement sa vie. Qui d'autre, est-on tenté de se demander, pourrait composer le portrait d'une telle femme ? Villa Amalia est aussi un film rude, où on ne s'embarrasse pas toujours de vraisemblance, mais profondément touchant, en très peu de mots. C'est une grande force !

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