mardi 31 mars 2009

la course

Ce n'est pas ma faute : beaucoup de choses m'intéressent, des enregistrements de pianistes morts il y a vingt ans, des films kazakhes, la littérature dans son quasi-ensemble... Et puis il y a que je ne sais pas faire des choses à la fois : écouter un disque en lisant, regarder un film en mangeant - non, j'aime bien faire une chose à la fois, et une seule, en m'y consacrant entièrement.
Alors voilà : du coup il y a toujours quelque chose que je pourrais faire, toujours un livre (une montagne de livres !) que je voudrais lire après celui-là, toujours un autre film que je voudrais voir, un autre musée à visiter... Il y a donc des raisons objectives pour que je courre toujours, que j'aie toujours un livre à la main, pour que je sois toujours projeté en avant sans jamais prendre le temps de relire ou, au moins, de revenir sur ce que j'ai déjà fait. Pourtant, je ne suis pas de ceux qui, lorsqu'ils ont lu une fois un livre ou vu une fois un film, s'en souviennent ad vitam et, encouragé en cela par ma psy (et puis j'ai quand même fait des études littéraires !), j'ai bien vu les vertus de la relecture, de repasser par des sentiers déjà parcourus et de remarquer des détails qu'un premier passage ne m'avait pas permis de distinguer, de pénétrer plus avant dans la construction, de mieux comprendre - mais j'ai la sensation que le temps me manquera nécessairement, et qu'il me faut donc aller sans cesse de l'avant.
J'ai déjà quasiment banni de mes lectures et de mes visionnages tout ce qui était simplement divertissant, et je me retrouve perpétuellement dans des univers noirs et épais d'où j'aimerais parfois m'échapper - mais le moyen de lire Bridget Jones quand on n'a pas lu Gogol ?...
Je me demande simplement pourquoi je suis perpétuellement dans une course perdue d'avance (puisque tout lire et tout voir, épuiser l'intérêt, est impossible), dans une tension continuelle qui me fait considérer comme perdues les cinq minutes de métro si je ne les consacre pas à lire une page, alors que quiconque a lu Les Bienveillantes sait qu'une page lue à la sauvette est une page qu'il faudra relire, ou qui est tombée dans un abîme, inutile.
Je ne sais pas quel vide je cherche à combler en courant toujours ainsi...

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