mardi 13 mai 2008

l'ombre d'un if

Quand on arrive de Paris à Angers, au moment où la dame du train annonce que "nous arrivons à Angers Saint-Laud", il suffit de tourner la tête à droite : c'est là le Cimetière de l'Est.
A chaque fois je regarde, et ma pensée va vers Emmanuel, mon premier prof de chant - un enseignant et un homme vraiment extraordinaire, solaire et rayonnant. Emmanuel est mort très brutalement d'un cancer, en août 1995, laissant plein d'élèves et d'amis démunis. Il avait 46 ans et en paraissait 35. J'ai réalisé il y a très peu de temps qu'il avait l'âge de mon père. C'est lui qui a planté la graine qui a donné les qualités qu'on vante aujourd'hui chez moi : la clarté et la précision de la diction, l'accent mis sur la compréhension à tout prix du texte chanté.
J'ai tellement pleuré sur sa tombe ! j'y suis allé toutes les semaines, chaque jeudi, pendant des mois avant de réaliser que son souvenir était dans ma tête, mon coeur et mon chant plutôt que sous cette dalle de marbre - et j'ai donc cessé d'y aller.
Samedi dernier j'étais à Angers pour un mariage et, comme j'avais deux heures à attendre, j'ai décidé de retourner sur la tombe d'Emmanuel, au Cimetière de l'Est. Je me rappelais bien de la dalle au bord d'une allée, sous un grand if, non loin de l'immeuble de logements sociaux d'où on avait entendu une chanson de Gainsbourg, très fort, pendant la mise en terre.
Je n'ai pas su retrouver la tombe d'Emmanuel. J'y ai pourtant passé plus d'une heure, faisant et refaisant toutes les allées d'un bout à l'autre, reconnaissant les lieux - mais incapable de localiser la tombe. Le bureau des renseignements était fermé, je n'ai pas su le trouver : c'est très dur pour moi de me dire que j'ai pu oublier où était cet homme si déterminant dans ma vie.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Tu faisais peut-être un blocage, peut-être es-tu repassé devant la tombe sans la reconnaître, parce que ton inconscient refusait quelque part de vouloir revivre ce souvenir triste...

Je comprends que cela ait dû être éprouvant pour toi, cette recherche avortée, mais ne t'en fais pas : comme tu le dis très bien : Emmanuel vit dans ta tête, ton coeur et ton chant bien plus que dans ce cimetière.

Et, il sait sûrement que tu es venu lui rendre une petite visite ce jour-là.

Anonyme a dit…

C'est étrange. Moi je suis passé des centaines et des centaines de fois dans ma vie devant le Cimetière de l'Est, non loin de mon collège, à deux pas de chez mon frère, mais je ne connais personne qui y repose.

Un cimetière sans vraiment en être un pour moi puisque je n'ai jamais eu à m'y recueillir. La prochaine fois que je longerai la rue Larévellière, j'aurai forcément une pensée pour toi.

Amicalement

Anonyme a dit…

C'était en 2000, huit ans après la mort de mon père. J'ai eu honte de ne pas retrouver sa tombe du premier coup, dans le cimetière où il repose. J'ai accepté l'idée que la terre l'avait emporté, mais le souvenir restait dans mon coeur...

Je suis alors persuadé que ce professeur chantera toujours dans tes souvenirs, dans ta mémoire pour lui. L'espace physique n'est rien comparé à celui, cérébral, du passé...

Bien à toi.

Anonyme a dit…

J'imagine que chacun à sa façon de vivre le deuil. Je n'ai jamais ressenti le besoin de me recueillir sur la tombe de mon père. J'ai essayé une fois mais ça n'avait pas de sens pour moi.

Cependant je peux comprendre le besoin de faire la démarche et j'imagine qu'il a du être pénible de ne pas pouvoir retrouver la tombe de ton ami.

Ne t'en veux pas. Tes pensées étaient auprès de lui malgré tout, comme elles peuvent l'être où que tu sois.