mercredi 21 janvier 2009

Catherine La Grande

C'est amusant l'émotion, parce que ça survient sans prévenir, comme ça d'un coup, et c'est fort.
Aujourd'hui j'ai fait une chose que je ne fais jamais : écouter plusieurs versions d'une même oeuvre, d'une de mes oeuvres de Schumann préférées, sa Fantaisie pour piano seul - pas très original, c'est son oeuvre la plus célèbre et la plus jouée. J'en avais pris trois enregistrements différents à la bibliothèque, auxquels s'ajoutent les trois que j'ai chez moi déjà (quand on aime on ne compte pas). C'est étrange une même oeuvre jouée par des artistes différents, c'est étrange comme elle devient autre sous les doigts de chacun. Ça me passionne.
Dans mes trois enregistrements écoutés aujourd'hui il y en avait un de Catherine Collard. Qui ne s'intéresse pas au piano ne la connaît pas. Qui a moins de 25 ans peut difficilement la connaître, puisqu'elle est décédée en octobre 1993. Pourquoi en ai-je un souvenir aussi précis ? Je venais tout juste d'entrer à la fac à Angers et je me réjouissais de voir que, quelques jours plus tard à peine, cette grande pianiste venait justement s'y produire (oui, je suis un pianiste raté qui adore conséquemment les pianistes, largement plus que les chanteurs...) - la veille de ce concert, j'entends son nom à la radio. Je comprends immédiatement, sans que je puisse l'expliquer, qu'elle vient de mourir. J'ai énormément pleuré. Je me souviens d'avoir joué à ma pauvre manière sur mon pauvre piano une minute de Schumann en sa mémoire, et d'avoir appelé ma mère à son boulot, en larmes. C'est étrange combien cette mort a pu me frapper...
Ce soir, dans ma journée de Fantaisies, j'ai donc joué un enregistrement de Catherine Collard, que je n'avais pas écouté depuis dix ans au moins. Et voilà qu'une forte émotion me saisit, qu'entre ces notes que j'ai déjà entendues par deux fois aujourd'hui se glisse une petite musique qui m'émeut, preuve que le jeu de cette pianiste me touchait et me touche encore, par surprise quinze ans après. Je me sens tout bête, si ému tout seul dans mon appartement. C'est comme si une bouffée de ma vie ancienne venait subitement de me frapper, par surprise. C'est bon de sentir que ces choses-là peuvent arriver, que je peux encore les éprouver.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Heureusement qu'une bouffée de notre passé peut encore venir nous surprendre, de temps à autre! C'est là toute la magie du souvenir, de la mémoire, ces choses dont nous avons finalement besoin pour nous construire et avancer. Je crois que lorsque nous changeons, ce n'est pas une chose qui en remplace une autre, mais plutôt un élément qui vient s'ajouter sur un autre déjà présent, mais qui se décline par la suite au passé. De temps en temps, cet élément a besoin de s'exprimer, et cela fait un bien fou!