lundi 17 décembre 2007

mon nom sur les disques


Je m’en souviens comme si c’était hier : la première fois que j’ai vu mon nom sur la pochette d’un disque j’ai pleuré. Ben oui : j’avais déjà fait des disques mais toujours avec l’ensemble Machin ou le groupe Truc – jamais avec mon nom sur la pochette. C’était d’autant plus fort que, pour ce premier disque soliste, mon nom était à côté de celui de mon maître, le chanteur que j’avais tellement adulé dans mon adolescence avant de devenir son élève puis son collègue (chaque fois que je me dis « je suis le collègue de Howard » j’ai l’impression de commettre un sacrilège et que le sol va s'ouvrir et m'engloutir tellement ça me semble impossible – mais non : à ma grande surprise, mêlée de honte et de bonheur, je dois finalement bien être votre collègue, mon maître).
Je ne pleure plus maintenant mais je ne suis toujours pas habitué – à me dire que ce mec sur les disques, c’est moi. J’ai pourtant fait plus de vingt disques, mais je ne m’y fais pas.
Il faut dire que j’ai un autre souvenir : lorsque j’étais encore amateur, j’ai entendu, après un disque sur France Musique, le présentateur dire « si ce chanteur travaille dur, ça sera très bien dans quelques années » - je me souviens surtout de m’être dit : s’il fait déjà des disques, c’est que c’est déjà très bien. Je croyais que quand on faisait un disque on était un chanteur accompli, au faîte de sa technique et de ses possibilités.
A chaque fois que je fais un disque (en novembre dernier, et encore quatre fois en 2008…) je repense à ma stupéfaction d’alors – et je me dis que je ne me sens ni un chanteur accompli, ni au faîte de ma technique... Et plus encore : à chaque fois que je reçois et que j’écoute un disque que j’ai fait (moment de suprême difficulté, et rarement de contentement…) je me dis que j’ai fait des progrès depuis, que je ne chanterais plus comme ça aujourd’hui – et que c’est pourtant l’image que des gens vont avoir de moi.
Je me dis aussi, très immodestement, que je dois être pour d’autres, plus jeunes, ce que des gens quadra ou quinquagénaires ont été pour moi : de supports de fascination - « le Lapin doit avoir une vie merveilleuse », ce que je me disais quand j’avais dix-sept ans et que j’imaginais que faire des disques c’était l’achievement, comme disent les anglais : le truc le plus enthousiasmant qu’on pouvait faire dans la vie. Qui nous rendait heureux et fier. Je sais par Stéphane que j’ai mon premier détracteur sérieux : ça doit être que mon nom dit quelque chose à quelques-uns…
Et je comprends mieux les comédiens qui, lorsqu’ils font la promotion d’un film, disent souvent « c’est étrange, on parle au présent d’un truc qu’on a fait il y a plus d’un an » - eh bien les disques c’est ça : une image au présent d’une personne qu’on a été. C’est fascinant, et souvent dur.

1 commentaire:

Polyphème a dit…

Est-ce le désire de laisser quelque chose à la postérité qui rend si fier ?